Dans un rapport rendu public vendredi 7 juin (Gas 2019), l’Agence internationale de l’énergie (AIE) indique que la demande de gaz naturel a augmenté de 4,6% en 2018, son rythme annuel le plus rapide depuis 2010. Le gaz a représenté près de la moitié de l’augmentation de la consommation d’énergie primaire dans le monde.
La consommation de gaz naturel devrait croître à un taux annuel moyen de 1,6% d’ici 2024, revenant à la tendance d’avant 2017. Même à un rythme moins élevé, la demande mondiale de gaz naturel continuera d’augmenter, tirée par la forte consommation des économies asiatiques à forte croissance, le soutien de la Chine pour lutter contre la pollution atmosphérique et le développement continu du commerce international du gaz. Elle devrait atteindre plus de 4 300 milliards de mètres cubes en 2024, contre 3 900 en 2018. La production d’électricité restera le principal consommateur de gaz naturel, représentant près de 40% de la demande totale d’ici 2024.
«Le gaz naturel a permis de réduire la pollution atmosphérique et de limiter les émissions de CO2 liées à l’énergie en remplaçant le charbon et le pétrole dans la production d’électricité, le chauffage et les utilisations industrielles», a déclaré Fatih Birol, directeur exécutif de l’AIE. «Le gaz naturel peut contribuer à un système énergétique mondial plus propre. Mais il fait face à ses propres défis, notamment de rester compétitif dans les marchés émergents et de réduire les émissions de méthane tout au long de la chaîne d’approvisionnement en gaz naturel. »
Les points-clefs du rapport Gas 2019[1] de l’AIE sont les suivants :
- Une demande de gaz naturel toujours en croissance
Les États-Unis ont tiré l’augmentation de la demande de gaz l’année dernière, la conversion du charbon au gaz étant à l’origine de près de la moitié de cette croissance. Les conditions météorologiques ont également eu un impact majeur sur la demande de gaz aux États-Unis, avec un hiver plus froid que la moyenne et un été plus chaud. La demande de gaz en Chine a augmenté de près de 18%, le pays ayant accéléré ses efforts pour réduire la pollution atmosphérique locale.
La demande de gaz au cours des cinq prochaines années devrait être tirée par l’Asie-Pacifique, qui représenterait près de 60% de l’augmentation de la consommation totale jusqu’en 2024. La Chine, représentant plus de 40 % de la progression de la demande mondiale de gaz d’ici 2024, restera le principal moteur de la croissance de la demande de gaz, bien que plus lente que ces dernières années, avec un taux annuel moyen de croissance de 8% d’ici 2024 en raison du ralentissement de la croissance économique.
La production d’électricité sera le principal moteur de croissance au Moyen-Orient. Cependant, c’est le secteur industriel qui devrait représenter près de la moitié de l’augmentation de la consommation de gaz naturel dans le monde, couvrant à la fois les besoins en énergie et les usages du gaz naturel en tant que matière première pour les produits chimiques.
- Les États-Unis toujours en tête de la croissance de la production
La production de gaz aux États-Unis a bondi de 11,5% en 2018, son taux de croissance le plus élevé depuis 1951, faisant du pays le plus gros contributeur à la croissance de la production de gaz dans le monde.
Les États-Unis et la Chine seront les deux principaux contributeurs individuels à la croissance de l’offre jusqu’en 2024, représentant ensemble plus de 50% de l’augmentation de la production totale. Cependant, la production augmentant principalement pour répondre aux besoins du marché intérieur dans de nombreuses régions, dans certains cas, tels que la Chine ou l’Asie du Sud-Est, elle ne pourra pas suivre le rythme élevé de la croissance de la demande.
Le développement des exportations sera donc davantage concentré, les États-Unis, l’Australie et la Russie représentant ensemble la grande majorité de la croissance des exportations de gaz naturel jusqu’en 2024.
- Changements sur les marchés du GNL
Le marché du GNL devrait connaître de profonds changements au cours des cinq prochaines années.
Les investissements dans les projets de GNL ont rebondi en 2018 après plusieurs années de déclin, et le grand nombre de projets dont la décision d’investissement finale intervient en 2019 devrait soutenir davantage l’expansion du marché mondial du GNL. Cependant, des investissements supplémentaires seront nécessaires à l’avenir.
La Chine et l’Inde émergeront comme les principaux acheteurs de GNL, parallèlement à l’augmentation des importations en Europe. Du côté de l’offre, l’émergence d’un trio de grands exportateurs verra l’Australie dépasser le Qatar en 2022, puis les États-Unis dépasseront à leur tour l’Australie d’ici 2024.
Le gaz naturel liquéfié (GNL) américain est en effet le principal contributeur à la croissance du commerce mondial du gaz naturel. En l’absence de plans d’investissement confirmés du Qatar, les États-Unis deviendront le plus grand exportateur de GNL au monde, avec 113 milliards de mètres cubes en 2024.
- Sécurité d’approvisionnement européenne
Alors que la consommation de gaz en Europe devrait rester quasiment stable dans les années à venir, la production locale devrait chuter de 3,5% en moyenne par an, principalement en raison de l’arrêt progressif du gisement de Groningue aux Pays-Bas et de la baisse de production en mer du Nord.
Ce déclin structurel des productions nationales, combiné à l’arrivée à échéance de plusieurs contrats d’importation long terme par pipeline, ouvrira des opportunités pour de nouvelles sources d’approvisionnement, telles que la Méditerranée orientale et le GNL.
- Vers une convergence globale des prix ?
Les prix des marchés du gaz dans les grandes zones de consommation convergent partout dans le monde. Les écarts de prix ont fortement diminué depuis le dernier trimestre de 2018, notamment entre l’Asie et l’Europe, grâce à des marchés bien approvisionnés. Mais le marché spot asiatique reste confronté à une plus grande volatilité des prix en raison de la saisonnalité plus forte.
L’expansion du commerce de GNL devrait probablement encourager une plus grande convergence des prix, tandis que le désengorgement des capacités des pipelines dans le bassin du Permien aux Etats-Unis devrait permettre d’y maintenir des prix bas. Toutefois, en l’absence d’investissements supplémentaires dans les capacités de GNL, la perspective d’un marché plus tendu impliquerait également un retour à des écarts de prix régionaux plus importants.
Philippe Lamboley