Au moment d’écrire ces lignes, le Brent cote 85$/bbl, son prix le plus élevé depuis 4 ans. Le gaz suit cette même trajectoire et connaît des valeurs historiques. En un an, son prix a augmenté de plus de 60%. Le charbon (API#2 month ahead) qui monte à 100$/Tm, même s’il est loin de son record, se trouve également à des niveaux historiquement élevés. De son côté le CO2 frôle les 22€/Tm. Avec les fondamentaux à ce niveau, le prix de l’électricité atteint 62€/MWh pour le baseload France livraison 2019, très loin des 38€/MWh pour lesquels ce même produit était coté l’année dernière. Mauvaises nouvelles pour les consommateurs. Les achats d’énergie vont peser dans le budget de tous les consommateurs, industriels et particuliers. Mais que se passe-t-il ?
Comme Ph. Lamboley l’explique dans son article (Envolée des prix de l’énergie : merci Donald Trump !), le prix du Brent est le fruit des tensions géopolitiques du moment (provoquées en grande partie par le président des Etats-Unis, D. Trump). Lorsque l’IEA (International Energy Agency) pronostiquait des prix à long terme dans l’intervalle des 40$/bbl à 60$/bbl avec la production américaine du shale-oil jouant le rôle de buffer mondial, nous nous retrouvons aujourd’hui avec des prix de 85$/bbl et certains avancent que la barrière des 100$/b sera bientôt dépassée. L’embargo de l’Iran, la crise au Venezuela, le décollage lent de l’Iraq, la difficulté de l’Arabie Saoudite à augmenter sa production au-delà de 10,5Mllb/d, et une demande soutenue conduisent à ce pic des prix.
Le gaz est absorbé massivement par l’Asie. Les problèmes environnementaux en Chine et le démarrage lent du nucléaire au Japon contribuent à l’augmentation de la demande dans cette partie du monde.
Les prix du charbon sont plus difficiles à interpréter (Le charbon contre-attaque ?), car ils sont poussés à la hausse par la demande croissante d’énergie primaire mondiale et en particulier dans les pays de la région Asie-Pacifique, mais dans un contexte récent d’augmentation de la production mondiale qui pourrait venir brutalement tempérer cette progression ; L’influence des prix du charbon dans la construction des prix en OCDE restant, contre toute attente, prépondérante.
Comme l’indique clairement Ph. Boulanger dans son article (CO2, le retour), à la suite des dernières réformes, le CO2 (EU–ETS) reprend des couleurs et s’aligne avec les prix souhaités pour la phase suivante. Pour qu’une réduction effective dans les émissions de CO2 se produise réellement, le prix de celui-ci ne doit pas être inférieur à 30€/Tm. Les dernières réformes du marché de certificats d’émissions (EU-ETS) essayent de donner le ton, ce qui nous amène à penser que les prix se maintiendront dans la voie actuelle.
Pour terminer, et afin de compliquer un peu plus les choses, dans l’électricité c’est le nucléaire belge, cette fois-ci, qui crée des incertitudes à court terme (ce début d’hiver une seule des 7 unités existantes sera disponible) et met les prix continentaux sous tension. D’où les prix du Q1 Baseload FR qui atteignent 77€/MWh, alors que ce même produit cotait à 50€ il y a un an. A moyen et long terme, tout indique de nouvelles tensions du marché à venir : les retards permanents dans la mise en service de l’EPR de Flamanville ; l’arrêt définitif de Fessenheim ; la mise en réserve stratégique d’une partie des centrales à charbon allemand ; le démantèlement des centrales à charbon françaises avant 2022, la disparition des peakers (La Programmation pluriannuelle de l’Energie et l’avenir du marché de l’électricité) ; etc.
Comme nous l’avions déjà mentionné dans notre numéro de janvier 2017 (approvisionnement-2017-casse-tete-chinois-pour-les-acheteurs-delectricite), le vent a tourné. Les prix de l’énergie stables et étonnamment bas dont nous avons bénéficié pendant une longue période devaient déboucher sur des prix plus élevés et adaptés à l’équilibre du marché. Le pendule a sur-oscillé et, en quelques mois, nous nous retrouvons à des niveaux de prix de l’énergie historiques. On peut certainement pressentir ces variations des marchés mondiaux mais elles restent imprévisibles. Qui aurait pu prévoir il y a quelques mois la politique internationale du président Trump et ses effets sur le secteur de l’énergie?
La conclusion de notre éditorial d’aujourd’hui est la même que nous indiquions il y a peu : Une bonne prévision et une couverture des risques sont indispensables dans cet environnement volatile. Comme nous avons l’habitude de l’expliquer à nos clients, l’important n’est pas seulement de s’approvisionner à bon marché, il faut aussi avoir une visibilité sur l’approvisionnement, et surtout limiter les fluctuations du résultat de l’entreprise provoquées par les variations du coût de l’énergie. Personne ne dispose d’une boule de cristal pour anticiper les fluctuations du marché. Par contre, il est possible d’anticiper l’impact sur le compte de résultat de la ligne d’approvisionnement d’énergie et de prendre les décisions appropriées. La fonction d’acheteur d’énergie doit évoluer vers celle de gestionnaire de l’énergie pour assurer la lisibilité des dépenses en énergie de l’entreprise.
Antonio Haya