Le 9 janvier, l’église catholique d’Immerath ville de l’ouest de l’Allemagne a été détruite pour laisser place à l’agrandissement d’une gigantesque mine de charbon (Lignite) de RWE. Et ce, malgré les protestations d’habitants et militants écologistes.
Ces images qui semblent venir d’un autre temps évoquent le drame de l’engloutissement du village de Tignes en 1952 dont les derniers habitants ont dû être évacués de force par les gendarmes. Mais à l’époque Tignes devait alors soutenir l’effort de reconstruction du pays, et il s’agissait déjà d’électricité verte (même si alors l’électricité était monochrome : bleue)
De plus nous apprenons qu’en Allemagne, les déplacements de population liés aux mines de charbon concernent aussi la Lusace, région de l’Est proche de la Pologne, où des villages entiers ont été rayés de la carte. En 2007, une église vieille de 750 ans avait été déménagée de 12 kilomètres entre Heuersdorf et Borna (est), sur deux plateformes roulantes et pour un coût de 3 millions d’euros, pour éviter de la détruire.
De fait, Immerath était déjà devenu un village-fantôme en 2013, lorsque ses 900 habitants leurs maisons, le chemin de croix du XVIIIe siècle et d’autres monuments du village ont été déplacés vers Immerath Neu, un nouveau site sorti de terre dans la même commune d’Erkelenz, en Rhénanie-du-Nord-Westphalie, dans le cadre d’un vaste plan de déplacement concernant au total 7600 habitants de la région.
Les militants écologistes avec des banderoles comme « Qui détruit la culture détruit aussi les êtres humains », ont été impuissants.
Ce « fait divers » nous rappelle qu’au-delà des discours politiques, la réalité de la génération électrique en Europe en générale et l’Allemagne en particulier reste toujours bien dépendante du charbon : le charbon et le lignite produisent encore 40% de l’électricité outre Rhin.
Ainsi le prix du charbon reste toujours le principal facteur d’indexation et d’évolution du prix de l’électricité sur la plaque continentale. (cf. figure ci-dessous) :
Alors que l’Allemagne vient de former un nouveau gouvernement de Grande Coalition (CDU/CSU/SPD) avec la conclusion d’un nouveau contrat de gouvernement (Koalitionsvertrag) présenté le 7/2/2018, nous pouvons légitimement nous poser la question : que reste-t-il de l’Energiewende d’octobre 2010 ?
Cette révolution énergétique avait, à l’époque, été inscrite dans le Koalitionsvertrag d’une même Grande Coalition et prévoyait notamment une réduction de 40% d’émission CO2 pour 2020 (par rapport au niveau de 1990) et 80% en 2050 et une forte pénétration des énergies renouvelables dans la génération électrique : 35% en 2020, 50% en 2030, 65% en 2040 et 80% en 2050.
L’Allemagne est en avance sur ce dernier point avec déjà 38% et le nouveau gouvernement s’engage même à atteindre 65% d’électricité renouvelable dès 2030 (soit avec 10 ans d’avance). Par contre le contrat de coalition reste muet sur l’objectif de réduction CO2 et précise que la sortie du charbon doit de faire pas à pas (schrittweise)
De ce côté-là avec une réduction de seulement 27,9% en 2015 (et légère augmentation depuis), la cible semble définitivement hors de portée. Agora Energiewende prévoit même que la cible 2020 va être manquée de…120 millions de tonne CO2 équivalent (soit plus de 4 fois les émissions totales du secteur électrique français en 2016)
Il semble bien que devant le choix d’une politique de développement industriel (déploiement des énergies renouvelable) ou de lutte contre le changement climatique, les décideurs savent faire preuve de pragmatisme agnostique.
Et les églises peuvent tomber…
Philippe Boulanger