Jusqu’ici, entre obligation d’achat et contrats CS13 (leurs successeurs), les petits producteurs évoluaient pour l’essentiel dans un environnement à part. Un environnement parfois complexe et sujet aux soubresauts réglementaires, mais où les choix tactiques se révélaient limités.
Il se trouvent désormais jetés dans le grand bain du marché, où les gros poissons se partagent des revenus de valorisation suivant 4 axes majeurs :
- Le faible coût marginal (nucléaire et fil de l’eau)
- La flexibilité pour saisir les opportunités de marché court terme (gaz et charbon et une partie de l’hydraulique)
- Le faible coût d’activation (barrages et pompage)
- La rapidité, pour participer au marché d’ajustement et aux réserves (hydraulique et TG fuel/gaz)
Et il ne fait pas toujours bon être une fourmi dans un monde de géant(s) de l’énergie. Dans la thermodynamique comme dans la transformation, l’économie d’échelle est implacable ; sur aucun de ces 4 axes on ne trouve les petits producteurs parmi les acteurs les plus compétitifs. Le résultat en berne de l’enchère démontre que la niche que pouvait représenter la Réserve Rapide et Complémentaire n’échappe plus à cette concurrence féroce.
Cependant, il y a un domaine où leur petite taille les avantage : ils sont plus agiles. Pour maintenir une rentabilité à leurs outils de production en dehors d’un tarif réglementé, les petits producteurs doivent s’adapter rapidement aux changements de marché, saisir les opportunités de niche, jouer sur tous les axes de valorisation de leurs actifs. Ils ont en effet :
- Plus de liberté de mouvement : Pour la plupart, la production d’électricité n’est pas leur seul métier, une diversification qui leur permet des stratégies plus audacieuses
- Plus de flexibilité contractuelle : une modification de leur profil de production n’est en général pas de nature à mettre en difficulté leur fournisseur de combustible
- Et surtout plus de célérité dans les changements d’orientation du fait d’une structure décisionnelle plus réduite
Se pose alors le problème de faire les bons choix. Dans des environnements marché et réglementaires changeants, se maintenir à jour de l’information demande une débauche d’énergie. D’autant que la production d’électricité n’est souvent pas le cœur de métier de ces petites structures, et que le marché de gros leur reste peu accessible.
Enfin, il leur faut parfois oser changer de paradigme : avec l’envolée des prix de l’hiver 2016-2017, de petites capacités de production qui ne fonctionnaient que sporadiquement devenaient rentables les deux tiers du temps ! Envisager de passer du jour au lendemain d’une production de 100 heures par année à une production de 100 heures par semaine demande de la souplesse et une culture du changement, et c’est sans doute l’obstacle le plus ardu.
La force des petits producteurs, c’est aussi leur nombre : ensemble, ils représentent une capacité installée de près de 4GW (1,5 GW hors obligation d’achat). Au regard de la hausse de marché qu’occasionnait tout récemment la prolongation d’arrêt de 10 GW de nucléaire, les petits producteurs ont vraisemblablement vocation à jouer un rôle plus important dans la sécurité du système électrique.
Si les réseaux connectés permettraient de mutualiser les petites capacités et d’en tirer un meilleur parti, leur mise en place demeure lourde et coûteuse. Dès lors, une partie de la réponse pourrait venir du marché de capacité (1), qui débutera dès 2017. La première enchère de ce marché, le 15 décembre dernier, a fixé un premier prix de référence à 10 000 €/MW/an. Un niveau de prix pour l’instant insuffisant pour assurer seul la rentabilité des petites installations.
Comment adapter leur stratégie de valorisation ? Faut-il modifier leur actif de production ou le démanteler ? les petits producteurs sont à une croisée des chemins stratégiques ; un motif de plus de se trouver un bon éclaireur…
(1) Le marché de capacité vise à rémunérer la disponibilité des capacités de production durant les périodes de pointe de consommation. L’enchère du 15 décembre 2016 déterminait le prix de référence pour l’année 2017.
La Réserve Rapide et Complémentaire, dite RR/RC, Qu’est-ce que c’est ?
Ce sont des capacités de production ou d’effacement d’électricité activables en quelques minutes (13 pour la RR, 30 pour la RC) pour reconstituer la « marge » de sécurité du réseau électrique en cas d’arrêt impromptu d’une centrale. Son dimensionnement est dicté par le plus grand groupe couplé au réseau, soit 1500 MW, répartis entre réserve rapide (1000 MW de Réserve rapide, 500 MW de réserve complémentaire).