Au début, il ne devait s’agir que d’une « petite loi » dont l’objet était de corriger un point de détail, presque une faute de frappe ou d’inattention de la part du législateur.
Devant le calendrier qui a été rattrapé par le réalisme (à moins que ce ne soit l’inverse), François de Rugy, Ministre de la Transition écologique et solidaire, confirmait devant les sénateurs en octobre dernier que la loi de 2015 sur la transition énergétique et de la croissance verte serait « légèrement modifiée, et ce afin d’acter le report de l’objectif de fixer la part du nucléaire à 50%.
Mais légiférer sur l’énergie en général et sur le nucléaire en particulier revient souvent à ouvrir une boite de Pandore. Entre crise des Gilets Jaune d’un côté et situation financière d’EDF de l’autre, la question des Tarifs Régulés de Vente d’électricité (TRV) et donc de l’Accès Régulé à l’Electricité Nucléaire Historique (Arenh) n’a pas tardé à s’inviter dans le débat.
De fait, c’est le gouvernement qui a pris les devants afin de désamorcer l’impact de la hausse des TRV de 5,9% au 1er juin :
Le jour même de la présentation du projet de loi au conseil des ministres, le 30 avril, François de Rugy a précisé, sur l’antenne de BFMTV, qu’un nouveau mode de calcul des tarifs réglementés de l’électricité serait instauré en 2020. « Je ne me résigne pas à ce mode de calcul qui a été voté deux fois par le Parlement sous une majorité de droite en 2010 et sous une majorité de gauche en 2015 », a déclaré le ministre de la Transition écologique et solidaire, « le mode de calcul actuel ne reflète pas les coûts de production de l’énergie nucléaire. Dans la future loi Énergie et Climat, je proposerai de changer ce mode de calcul. Dès 2020, il s’appliquera en collant mieux aux coûts de production », a insisté François de Rugy.
De son côté Jean-Bernard Levy, la veille de l’application de cette hausse, appelait à « réfléchir à moins taxer l’électricité puisqu’elle n’émet pas de dioxyde de carbone ». « Je rappelle que quand on paye une facture d’électricité, on paye plus du tiers de taxes. C’est comme si on avait une TVA à 55 % », précisait le PDG d’EDF, tout en reconnaissant que « dans les autres pays, il y a beaucoup de taxes sur l’électricité un peu partout ».
Et cette intervention a donné l’occasion au ministre d’appuyer sur les points douloureux : « Ce n’est pas en rejetant la responsabilité sur les taxes qu’on améliorera la situation d’EDF », a répliqué François de Rugy en rajoutant :
- « EDF s’endette parce qu’elle n’arrive pas à couvrir ses coûts de production avec ses recettes »,
- « Tous les ans, la Cour des comptes dénonce le fait qu’à EDF, les salariés ne paient que 10% du prix de l’électricité ».
Même le Conseil Constitutionnel a apporté sa contribution : alors que la fin du tarif réglementé de vente du gaz était actée, le Conseil constitutionnel a censuré les articles de la loi Pacte relatifs à cette suppression. Cette mesure, qualifié de « cavalier législatif », aura donc naturellement sa place, via amendement dans la loi énergie climat.
En fin de compte, le gouvernement a déposé le 14 juin son amendement Arenh (amendement n° CE357).
Cet amendement propose de fixer le plafond du plafond de l’Arenh à 150 TWh à partir de 2020 (le plafond à proprement parlé est fixé par arrêté dans la limite du plafond du plafond fixé par la loi).
Mais cet amendement prévoit aussi d’ouvrir au Gouvernement la possibilité de modifier le prix de l’Arenh par arrêté afin de prendre en compte une évolution du plafond au regard de l’impact financier sur EDF, en étendant dans le temps la dérogation prévue à la mise en place du dispositif par l’article L337-16. Bien entendu « l’évolution de ces paramètres et son calendrier feront l’objet de discussions entre le Gouvernement et la Commission Européenne »…
Le projet de loi présenté au conseil des ministre le 30 avril dernier ne se limitera donc pas à :
Au 5° du I de l’article L. 100-4 du code de l’énergie, les mots : « réduire la part du nucléaire dans la production d’électricité à 50 % à l’horizon 2025 » sont remplacés par les mots : « réduire la part du nucléaire dans la production d’électricité à 50 % à l’horizon 2035 ».
Et la prochaine loi est déjà en préparation : dans l’exposé de son amendement, le gouvernement évoque la préparation d’une nouvelle régulation qui succédera à l’Arenh, voire pourra la remplacer avant son échéance fixée à 2025, dans le but « de garantir la protection des consommateurs contre les hausses de prix de marché au-delà de 2025 en les faisant bénéficier de l’avantage compétitif lié à l’investissement consenti dans le parc nucléaire historique, tout en donnant la capacité financière à EDF d’assurer la pérennité économique de son parc de production, même dans des scénarios de prix bas ».
A suivre…
Philippe Boulanger