Les caprices du marché de capacité !

Cela commence à devenir une habitude, chaque Newsletter HES contient un article sur le marché de capacité français. Si l’on continue sur cette lancée, nous allons finir par en faire une section permanente… En tout cas, les nouveautés de ce trimestre méritent bien un nouvel article. Merci pour votre patience.

Le 16 mai, 4 535 MW de certificats AL2019 se sont échangés au prix surprenant de 0 euro (le prix moyen des échanges de AL2019 à cette date étaient de 17 365 €/MW pour un volume aux alentours de 88 000MW). Perspicacité de certains acteurs, négligence des autres ? Erreur dans la conception du marché, erreur de jeunesse ?

Décidément, ce marché de capacité ne cesse de nous procurer des frayeurs. Depuis son apparition fulgurante dans une loi (NOME – Nouvelle Organisation du Marché d’électricité) que personne ne l’attendait, en passant par l’Enquête approfondie de la Commission Européenne (avec son autorisation du MECAPA français conditionnée à des modifications qui sont loin d’être mineures), suivie de sa mise en place accélérée et ses règles en révision constante, ce sont maintenant les résultats des enchères qui nous coupent le souffle.

Pour comprendre le résultat de l’enchère AL2019 de mai, il faudrait remonter aux fondamentaux du marché. Au moment de l’enchère, l’équilibre total offre/demande montrait un excédent minime de l’offre aux alentours de 700 MW seulement : une marge très restreinte après les réajustements à la baisse de la filière nucléaire (presque 3000 MW de moins que quelques mois auparavant). La théorie économique énonce que, dans ce marché, en cas d’excédent d’offre un prix nul devait être atteint, étant donné que l’ajustement de l’offre n’est possible que par la fermeture d’installations. Or une fermeture n’a de sens qu’avant la période de livraison. Une fois dans l’année de livraison, n’importe quel prix des certificats est suffisant pour un producteur qui est déjà engagé pour la période. Ce qui nous amènerait, pour une enchère en cours d’année de livraison, à une offre à prix zéro de la part des producteurs et un prix de clôture nul si la demande se révèle inférieure à l’offre. Dans la pratique, les choses ne devraient pas se passer ainsi. En effet, certains acteurs préféreront probablement sacrifier (et ne pas vendre) une partie de leurs certificats à partir du moment où le restant de leurs capacités trouve le prix approprié.

Dans le cas des certificats AL2019, l’obligation de vente a rempli son office puisque l’acteur qui a vendu les certificats excédentaires n’avait aucune sensibilité au prix de vente. En fait, une partie de l’offre, pas moins de 6,3 GW, était absente du marché jusqu’à présent et n’a fait son apparition que dans cette dernière enchère. Un mode dégradé avait été mis en place pour les certificats transfrontaliers 2019 et RTE allait mettre en vente la totalité de ces capacités lors de l’enchère du 16 mai 2019 avec une offre « à tout prix » conformément à sa communication du 22/11/2018. Par manque de demande (encore une fois), l’offre de RTE a saturé le marché et les heureux participants à l’enchère ont eu la chance d’acheter à prix nul.

Sur les 4 500 MW échangés pendant l’enchère, 2 000 MW ont été acquis par des fournisseurs chevronnés qui anticipaient cette situation ou bien avaient retardé leur décision d’achat jusqu’à obtenir une meilleure visibilité sur leurs obligations. Ce qui est moins évident, c’est que 2 500 MW ont été acquis par des producteurs qui, semble-t-il, avaient besoin de s’équilibrer. Il est même possible qu’ils aient au préalable vendu ces certificats à un prix de 17 365 €/MW pour les racheter à prix zéro. Bravo à tous ! Malgré les résultats, il reste encore des acteurs obligés qui n’ont pas terminé leurs achats pour le millésime 2019. Je ne pense pas qu’il soit facile d’acheter des certificats en bilatéral à un prix nul. Il faudra certainement qu’ils attendent la dernière enchère pour tenter leur chance…

Même si la théorie économique peut expliquer ce résultat, un mécanisme où l’on passe d’un prix de 18 000 €/MW à 0 € en une séance… n’est définitivement pas idéal. Le mécanisme français serait beaucoup plus légitimé si les prix étaient stables et alignés avec le concept assumé[1] de ‘missing money’. Les réactions à ce flop ne se sont donc pas fait attendre ; en délibération d’urgence, datée du 20 juin 2019, la Commission de régulation de l’énergie a décidé (i) d’attribuer en procédure simplifiée à RTE la totalité des certificats cross border AL 2020[2] et (ii) que ces certificats soient vendus dans la dernière enchère de 2019 sans prix de réserve.

Si l’on ajoute à cela que la CRE avait déjà décidé fin février que le « Prix de Référence des Ecarts en Capacité » (PREC) sera le prix résultant de la dernière enchère organisée précédant le démarrage de l’année de livraison, nous aurons en décembre une enchère avec une liquidité suffisante pour que l’offre et la demande se trouvent en conditions normales. De plus, le fait que l’équilibre offre/demande 2020 se soit encore détérioré par rapport à celui de 2019 implique que la dernière enchère de l’année sera cruciale pour les acteurs (un peu moins pour Edf).

Un petit conseil pour les consommateurs et les commercialisateurs : comme l’a démontré cette enchère, établir une stratégie correcte pour ses achats de certificats est essentiel afin de profiter d’éventuelles opportunités que présente ce marché spasmodique. Faites vos jeux !

Antonio Haya


[1] Comme le font remarquer régulièrement les fournisseurs officiellement le marché de capacité n’a pas fonction de rémunérer le missing money. Personnellement je pense que ce concept devrait être vraiment présent dans le marché de capacité donc « assumé ».

[2] A la date de la délibération, le 20 juin donc 10 jours avant la date limite pour la conclusion de conventions entre RTE et les GRT voisins, aucune convention n’a été signée.

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Diego est consultant chez Haya Energy Solutions. Il a 1 d’expérience dans le développement de modèles pour la prévision des prix de l’énergie, la disponibilité et la production d’énergie et l’optimisation des batteries.

Diego est titulaire d’un diplôme en Économie et Politique du King’s College de Londres et d’un double master en Gestion et en Informatique de l’Université IE de Madrid.

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Céline est directrice du développement commercial et de l’administration chez Haya Energy Solutions. Elle joue un rôle clé dans la croissance de l’entreprise en développant sa présence sur le marché, en renforçant le positionnement de la marque au niveau européen et en élaborant des plans stratégiques de marketing. Elle dirige également les opérations administratives de l’entreprise, assurant une gestion financière efficace, y compris la comptabilité et le suivi du budget.

En plus, elle est consultante chez Haya Energy Solutions, spécialisée dans l’optimisation de l’approvisionnement en énergie grâce à l’analyse des tendances du marché et des évolutions réglementaires. Elle fournit également des conseils stratégiques afin d’identifier les opportunités et d’adapter les solutions aux besoins spécifiques de chaque client.

Céline est titulaire d’une licence en LLCER de l’Université de la Sorbonne et d’un master en Gestion de Projets et Tourisme Culturel de l’Université de Clermont-Ferrand.

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Il a débuté sa carrière dans le génie civil en tant que chef de projet en France, en Martinique et en Australie. Par la suite, il devient directeur général d’une filiale au Venezuela. En 1992, il crée une filale pour Dalkia en Allemagne (chauffage urbain, cogénération et partenariats) et représente Véolia en Thaïlande. En 2000, il a ouvert le bureau commercial d’Endesa en France pour profiter de la libéralisation du marché de détail. A partir de 2006, en tant que responsable du développement chez Endesa France, il a dirigé le plan d’Endesa pour la production à cycle combiné gaz en France et a simultanément développé le portefeuille éolien et photovoltaïque de la Snet. 

Philippe a ensuite travaillé pendant 3 ans au siège d’E.ON pour coordonner les activités de l’entreprise en France. Il a été fortement impliqué dans le projet français de renouvellement de la concession hydroélectrique. En tant que Senior Vice President – Project Director chez Solvay Energy Services d’avril 2012 à février 2014, il était en charge des projets de déploiement H2/Power to gas et d’accès direct au marché européen. Philippe est un expert pour HES depuis 2014.

Philippe est ingénieur diplômé de l’Ecole Polytechnique et de l’Ecole Nationale des Ponts & Chaussées (France) et possède une expérience combinée de plus de 25 ans en énergie et infrastructures. En plus de l’anglais, M. Boulanger parle couramment le français, l’allemand et l’espagnol.

Philippe Boulanger

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Philippe Boulanger expert

« Le monde est en train de changer. De nouveaux investisseurs accordent une attention particulière au secteur de l’énergie alors que les acteurs historiques adaptent leur position sur le marché. »

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Antonio est le fondateur et le président d’Haya Energy Solutions, une société de conseil dans le secteur de l’énergie, spécialisée dans les projets de fusion et d’acquisition (M&A), dans les domaines de la production d’énergie renouvelable et conventionnelle, de la cogénération, du chauffage urbain, de la vente au détail de gaz et d’électricité, de l’approvisionnement en énergie et de l’optimisation énergétique en France, Espagne, Portugal, Allemagne et Royaume-Uni.

Avant cela, Antonio a été PDG de CELEST Power de KKR en France (2x410MW CCGT). Il a également été DG d’Endesa France et secrétaire général, directeur de la stratégie et du développement d’entreprise chez E.ON France. Auparavant, il a occupé différents postes chez Endesa, notamment celui de responsable des fusions et acquisitions et de spécialiste de la réglementation.

Antonio est titulaire d’un MBA de l’Université de Deusto et d’un diplôme en Ingénierie Industrielle de l’École Technique Supérieure d’Ingénierie de l’Université de Séville.

Antonio Haya

Président

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