PPE: montée en puissance du gaz renouvelable… qui cache un recul de l’énergie gaz

La Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) a finalement été présentée par le ministre de la Transition écologique et solidaire, François de Rugy, le 27 novembre dernier. Elle fixe les priorités d’action des pouvoirs publics pour les périodes 2019-2023 et 2024-2028.

Plusieurs objectifs ont été annoncés et/ou confirmés, dont en particulier  « tourner le dos aux énergies fossiles » : baisse de 20% de la consommation primaire d’énergies fossiles en 2023 par rapport à 2012 et de 35% en 2028.

Concernant le gaz naturel, il fait l’objet « d’une vision contrastée », car il s’agit « d’une énergie fossile, qui à ce titre doit être réduite, mais la moins émissive en carbone et avec des perspectives de décarbonation sous forme de biogaz, qui à ce titre pourrait jouer un rôle dans la transition ».

Ainsi, en 2028, la consommation primaire de gaz naturel ne devrait diminuer « que » de 19% par rapport à 2012, pour atteindre 349 TWh PCI. « Et en même temps », l’objectif est de multiplier par 5 la production de gaz renouvelable par rapport à 2017, avec une production de 32 TWh en 2028.

La PPE précise qu’à l’horizon 2030, l’objectif est de « porter à 10% la part de gaz renouvelable dans la consommation de gaz sous l’hypothèse d’une forte baisse des coûts ». Si la filière gazière accueille favorablement la confirmation de la trajectoire de développement du gaz renouvelable, déjà prévue par la loi de transition énergétique (LTECV) de 2015, elle « attire l’attention du Gouvernement sur la nécessité de maintenir des tarifs de rachat attractifs pour que la filière puisse arriver à maturité et que les projets puissent se développer à un rythme soutenu ».

Dans le scénario de référence de la PPE, la consommation primaire d’énergies fossiles, qui était de 1 412 TWh en 2017, recule de plus d’un tiers en 2028 pour atteindre 940 TWh. La décroissance est plus importante pour les énergies fossiles ayant un contenu carbone plus important.

Ainsi, en 2028, la consommation primaire de :

  • Charbon devrait diminuer de 80 % par rapport à 2012 pour atteindre 27 TWh.
  • Produits pétroliers devrait diminuer de 35% par rapport à 2012 pour atteindre 565 TWh.
  • Gaz naturel devrait diminuer de 19% par rapport à 2012 pour atteindre 349 TWh PCI, ce qui correspond à une baisse de plus de 80 TWh…

Réduction de la consommation primaire d’énergie fossile par vecteur énergétique

La PPE proclame que « le gaz naturel est aujourd’hui une énergie essentielle au système énergétique français. Sa capacité de stockage est aujourd’hui nécessaire pour passer les pointes d’hiver de chauffage et d’électricité.  Par ailleurs, le gaz naturel est l’énergie fossile la moins carbonée. Il n’en reste pas moins une énergie fossile et devra donc être remplacé à long terme par du biogaz ou des nouveaux gaz de synthèse produits avec des énergies renouvelables : l’hydrogène ou le power to gas. »

Les principales mesures de promotion du gaz renouvelable envisagées sont :

  • Consolider l’obligation d’achat de biogaz à un tarif réglementé et lancer des appels d’offres permettant d’atteindre les objectifs à un coût maîtrisé grâce à de fortes baisses des coûts.
  • Favoriser le GNV et le bioGNV notamment grâce au suramortissement pour l’achat de véhicules compatibles ;

Si donc l’objectif à 2030 de 10 % de la consommation de gaz d’origine renouvelable est confirmé, tout comme le point de passage de 8 TWh en 2023, le développement se voit soumis à la condition d’une « forte baisse » des coûts. Et c’est là où le bât blesse du point de vue de la profession…

En effet, la PPE indique que «  les coûts de production des gaz renouvelables sont aujourd’hui élevés mais des perspectives de baisse de coûts sont indiquées par les acteurs de ces filières. La programmation pluriannuelle de l’énergie fixe l’objectif de 24 à 32 TWh de biogaz produit en 2028, en fonction de la baisse des coûts réellement observée. Des plafonds de prix seront mis en place, et si les coûts de production ne baissent pas autant qu’attendu, le rythme de construction de nouvelles capacités de production sera adapté. »

Si il y a eu convergence pendant le débat public pour donner la priorité à l’injection de biométhane dans les réseaux de gaz, par rapport à une combustion locale pour produire de l’électricité, la question du coût du biogaz et des soutiens nécessaires à la filière ont fait débat, certains considérant que le remplacement du gaz fossile par du gaz renouvelable relevait encore largement du pari…

La filière s’inquiète des mesures concrètes envisagées, qui sont en demi-teinte et placeraient les gaz renouvelables comme les parents pauvres des ENR : le Gouvernement envisage une enveloppe de soutien public supplémentaires globale comprise entre 7 et 9 milliards d’euros pour la période 2018-2028, sous condition, pour le biométhane, d’atteindre un coût de production de 67 Euro/MWh dès 2023.

L’enveloppe envisagée pour le 3eme pilier des ENR françaises représenterait ainsi sur les dix ans à venir moins de 10% des soutiens financiers accordés aux ENR :

Dépenses publiques programmées pendant la période de la PPE (Md€)

Si la filière est bien sûr résolue à s’engager pour atteindre d’ici 2030 cet ordre de grandeur de coûts, elle considère que cet objectif risque de s’avérer impossible à réaliser à si brève échéance si l’on souhaite conserver une approche vertueuse de la gestion des différentes familles d’intrants agricoles et de déchets. En effet, la méthanisation est une solution durable, qui a l’avantage d’être source de création de valeur pour l’agriculture et l’environnement (retour à la terre, stockage du carbone, qualité de l’eau, biodiversité…), les territoires, l’économie circulaire et l’emploi local.

A contrario, le scénario haut de 34 TWh en 2030 figurant dans la PPE apparaît « comme peu ambitieux et peu révélateur de la dynamique actuellement rencontrée dans les territoires, comme en témoignent les 600 projets dans la file d’attente des gestionnaires de réseaux », relèvent les associations de la profession gazière. Objectif d’autant moins ambitieux si on le compare à la baisse de consommation de gaz naturel envisagée de plus de 80 TWh à cet horizon en tant qu’énergie fossile…

En conclusion, si le chiffre de 67 €/MWh (à l’horizon 2023) est raisonnable pour les grosses installations, cela n’est pas faisable pour les petites, et pourrait entrainer une grogne des agriculteurs (dixit Engie).

« Afin de ne pas devenir le parent pauvre des ENR en France, le niveau et les conditions du soutien de l’Etat doivent être adaptés au rythme du développement en cours. Il faut laisser sa chance au gaz renouvelable made in France » conclut l’association France gaz renouvelable. Sans oublier aussi le potentiel de l’hydrogène ou du « Power to gas ».

Philippe Lamboley

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En plus, elle est consultante chez Haya Energy Solutions, spécialisée dans l’optimisation de l’approvisionnement en énergie grâce à l’analyse des tendances du marché et des évolutions réglementaires. Elle fournit également des conseils stratégiques afin d’identifier les opportunités et d’adapter les solutions aux besoins spécifiques de chaque client.

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Il a débuté sa carrière dans le génie civil en tant que chef de projet en France, en Martinique et en Australie. Par la suite, il devient directeur général d’une filiale au Venezuela. En 1992, il crée une filale pour Dalkia en Allemagne (chauffage urbain, cogénération et partenariats) et représente Véolia en Thaïlande. En 2000, il a ouvert le bureau commercial d’Endesa en France pour profiter de la libéralisation du marché de détail. A partir de 2006, en tant que responsable du développement chez Endesa France, il a dirigé le plan d’Endesa pour la production à cycle combiné gaz en France et a simultanément développé le portefeuille éolien et photovoltaïque de la Snet. 

Philippe a ensuite travaillé pendant 3 ans au siège d’E.ON pour coordonner les activités de l’entreprise en France. Il a été fortement impliqué dans le projet français de renouvellement de la concession hydroélectrique. En tant que Senior Vice President – Project Director chez Solvay Energy Services d’avril 2012 à février 2014, il était en charge des projets de déploiement H2/Power to gas et d’accès direct au marché européen. Philippe est un expert pour HES depuis 2014.

Philippe est ingénieur diplômé de l’Ecole Polytechnique et de l’Ecole Nationale des Ponts & Chaussées (France) et possède une expérience combinée de plus de 25 ans en énergie et infrastructures. En plus de l’anglais, M. Boulanger parle couramment le français, l’allemand et l’espagnol.

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« Le monde est en train de changer. De nouveaux investisseurs accordent une attention particulière au secteur de l’énergie alors que les acteurs historiques adaptent leur position sur le marché. »

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Antonio est le fondateur et le président d’Haya Energy Solutions, une société de conseil dans le secteur de l’énergie, spécialisée dans les projets de fusion et d’acquisition (M&A), dans les domaines de la production d’énergie renouvelable et conventionnelle, de la cogénération, du chauffage urbain, de la vente au détail de gaz et d’électricité, de l’approvisionnement en énergie et de l’optimisation énergétique en France, Espagne, Portugal, Allemagne et Royaume-Uni.

Avant cela, Antonio a été PDG de CELEST Power de KKR en France (2x410MW CCGT). Il a également été DG d’Endesa France et secrétaire général, directeur de la stratégie et du développement d’entreprise chez E.ON France. Auparavant, il a occupé différents postes chez Endesa, notamment celui de responsable des fusions et acquisitions et de spécialiste de la réglementation.

Antonio est titulaire d’un MBA de l’Université de Deusto et d’un diplôme en Ingénierie Industrielle de l’École Technique Supérieure d’Ingénierie de l’Université de Séville.

Antonio Haya

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Antonio Haya expert