Le projet de loi « mettant fin à la recherche ainsi qu’à l’exploitation des hydrocarbures conventionnels et non conventionnels et portant diverses dispositions relatives à l’énergie et à l’environnement », présenté début septembre par le Gouvernement, devrait permettre de relancer la réforme du stockage de gaz naturel en France.
Une première tentative de réforme par ordonnance, suite à la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte (LTECV), avait échoué l’an dernier, après rejet par le Conseil d’Etat. Le problème rencontré était dû aux incertitudes juridiques sur le statut de la compensation des opérateurs de stockage pour leur assurer un revenu régulé.
Cependant, une mission de l’Inspection générale des finances, du Conseil général de l’économie, de l’industrie, de l’énergie et des technologies et du Conseil général de l’environnement et du développement durable a confirmé la nécessité de réformer le système actuel, dans un rapport publié le 1er août 2017.
Afin de permettre la mise en œuvre rapide de la réforme, le projet de loi actuellement en discussion comprend à son article 4 des dispositions pour légiférer de nouveau par ordonnance.
L’objectif de l’article 4 du projet de loi est le renforcement de la sécurité d’approvisionnement du système gazier, pour garantir aux consommateurs la disponibilité de la ressource gazière même lors des épisodes de forte consommation, comme la France en a connu durant l’hiver 2017. Ce renforcement doit prendre en compte les caractéristiques des différents consommateurs de gaz en France, qu’il s’agisse d’entreprises fortement consommatrices ou des particuliers.
De manière plus précise, il s’agit de modifier le cadre d’accès aux infrastructures de stockage souterrain de gaz naturel nécessaires à la sécurité d’approvisionnement et au bon fonctionnement du réseau gazier, leur exploitation et leur commercialisation, pour instaurer un cadre d’accès régulé, garantissant la couverture des coûts supportés par les opérateurs de ces infrastructures par le tarif d’utilisation des réseaux de transport de gaz naturel. Les obligations de détention de stocks de gaz naturel par les fournisseurs et les obligations de continuité de fourniture prévues dans le code de l’énergie seront modifiées. Les missions des opérateurs de stockages souterrains de gaz naturel, de la Commission de Régulation de l’Énergie, des gestionnaires de réseaux de transport et des fournisseurs en matière de stockage doivent être adaptées.
Le Gouvernement sera habilité à prendre par ordonnance, dans un délai de douze mois à compter de la promulgation de la loi, toute mesure permettant en particulier la commercialisation des capacités de stockage aux fournisseurs au moyen d’un mécanisme d’enchères, avec couverture de la différence éventuelle entre les prix ressortant des enchères et les coûts régulés par le biais d’une compensation incluse aux tarifs de transport.
De plus, pour assurer la sécurité d’approvisionnement au meilleur coût, les possibilités de contractualisation de capacités interruptibles devraient être élargies aux consommateurs de gaz naturel raccordés aux réseaux de distribution. De même, afin de préserver l’intégrité du système gazier et de maîtriser les impacts en cas d’insuffisance de gaz en un point du réseau, des règles relatives au délestage de la consommation de gaz naturel devront être définies.
Enfin, l’intégration des coûts supportés par les opérateurs de stockage souterrain aux tarifs d’utilisation des réseaux de transport et de distribution nécessitera de modifier les dispositions du code de l’énergie relatives à la réduction du tarif d’utilisation des réseaux, pour pouvoir les élargir à d’autres types de consommateurs de gaz que ceux actuellement visés.
La DGEC a engagé début septembre une nouvelle concertation sur le projet d’ordonnance, et la CRE a programmé un « atelier stockage » le 13 octobre. Si les grandes lignes de la réforme envisagée en 2016 sont maintenues, plusieurs modifications ont cependant été apportées, suite aux travaux avec le Conseil d’État et la mission des inspections générales :
- Clarification de l’article d’habilitation
- Réécriture des éléments relatifs au financement de la couverture des coûts des opérateurs de stockage, afin de clarifier la nature tarifaire de ce financement
- Refonte de « l’obligation de dernier ressort »
Cette dernière porterait non plus sur les fournisseurs, mais sur les opérateurs de stockage eux-mêmes.
En ce qui concerne la compensation, celle-ci prendrait la forme de l’ajout, au sein du tarif d’utilisation des réseaux de transport, d’une part proportionnelle à la différence entre la capacité ferme souscrite et l’utilisation annuelle moyenne de cette capacité.
L’objectif de la DGEC est de finaliser cette année la réforme du cadre législatif relatif au stockage, en lui donnant priorité par rapport aux autres éléments de la loi d’habilitation, pour une mise en application dès l’hiver 2018-2019, et de traiter ultérieurement les autres points de l’habilitation (continuité de fourniture, interruptibilité, délestage) dans des ordonnances distinctes.
Mais le projet d’ordonnance n’inclut pas non plus les modifications des tarifs d’utilisation des réseaux de transport et de distribution de gaz naturel applicables aux sites fortement consommateurs, alors que celles-ci sont prévues dans le projet de loi d’habilitation. Cela ne manquerait pas de poser problème à la CRE, qui disposerait du cadre pour définir l’assiette de la compensation, mais non de la clef complète de répartition entre les différents consommateurs…
A minima, l’ordonnance stockage devra prévoir des exemptions pour les sites fortement consommateurs, ne dépendant pas des stockages pour leur fourniture en gaz, tels que les CCCG : celles-ci en effet fonctionnent selon une logique purement économique de spread, achetant du gaz « à bien plaire » seulement quand celui-ci est disponible à des conditions compétitives sur les marchés.