Communication Breakdown

Nous savons tous que EDF a une présence majoritaire dans la génération électrique en France. Plus concrètement, EDF est le seul acteur de la production nucléaire, qui représente plus de 70% du marché français. Les aléas de la production du parc nucléaire français se traduisent immédiatement par des variations de prix dans le marché de futures de l’électricité, qui finalement se répercutent de manière sensible dans les factures des consommateurs finals.
Grâce au règlement européen REMIT relatif à l’intégrité et à la transparence des marchés de gros de l’énergie, les acteurs du marché doivent publier toute l’information en relation avec la capacité et l’utilisation de leurs installations de production, y compris l’indisponibilité planifiée ou non de telles installations. EDF le fait avec l’assiduité nécessaire. Toutefois, l’interprétation de ces incidents publiés n’est pas nécessairement évidente.
De son côté, RTE, dans son rôle de garant de la stabilité du Système électrique français, émet périodiquement des études de l’équilibre offre/demande et même des avis et recommandations, lorsqu’ils sentent qu’il existe des risques pour le système. RTE et EDF ne semblent pas toujours s’accorder dans leur vision quant à la disponibilité future du parc nucléaire. EDF semble plus optimiste que ce que les faits démontrent, pendant que RTE adopte une position plus conservatrice.
Chez HES, nous suivons de près les différentes déclarations d’indisponibilité et les études publiées sur l’équilibre du système afin d’évaluer leur véritable impact sur les futures de l’électricité. Dans cet article, nous relatons les évènements et contradictions entre les déclarations et annonces autour du parc nucléaire français et leurs effets sur les marchés, en nous focalisant sur la très particulière année COVID 2020. Bonne lecture.

Comme pour tout le monde, la crise sanitaire a pris EDF par surprise au début de l’année 2020. Les mesures restrictives prises en mars 2020 pour éviter l’effondrement du système sanitaire et assurer la sécurité des travailleurs ont ralenti les activités de maintenance prévues sur le parc nucléaire, retardant celles qui étaient en cours et imposant l’adaptation du plan de maintenance pour ajuster au maximum la capacité de production. En conséquence, en avril 2020, EDF prévoyait une production de 300 TWh pour 2020, face aux 375 – 390 TWh estimés initialement. Cela fut la conséquence de la reprogrammation de leur plan de maintenance avec comme objectif d’assurer la fourniture électrique pendant l’hiver. Pour cela, entre autres, le fonctionnement des centrales a été restreint en été et a permis d’économiser du combustible pour l’hiver. Aux mêmes dates, RTE publia un rapport avec la prévision de l’impact de la crise sanitaire sur le système électrique, sans alerter d’un quelconque risque en particulier.

L’impact du communiqué de EDF a été significatif, avec une augmentation de 15% du prix baseload de Q4 2020 (de 45.25 €/MWh à 53.63 €/MWh) et de 10% du prix baseload de Q1 2021 (de 47.74 €/MWh à 52.52 €/MWh)[1]. À ce stade, le marché de capacité paraissait ne pas faire écho de ces perturbations, la capacité nucléaire certifiée pour AL2020 était de plus de 50 GW au début du mois d’avril, en alignement avec la puissance certifiée AL2020 en 2019, et dans les enchères d’avril pour AL2021 les prix sont restés conformes aux tendances récentes.

L’équipe HES confirma une diminution de la disponibilité nucléaire moyenne, par rapport à la vision du début de l’année de -17.5 GW (-33%) pour les mois de juillet à octobre 2020 et de -7.5 MW (-13%) pour les mois de novembre 2020 à février 2021[2]. Ce qui était conforme avec ce qui avait été annoncé par EDF et RTE, mais pas avec la capacité certifiée pour 2020.

Ce n’est qu’après la « première vague », en juin 2020, que RTE a publié une prévision du risque d’approvisionnement en électricité pour l’hiver 2020/2021, plaçant l’approvisionnement sous « surveillance spéciale ». Dans ce rapport on commence à parler d’un retard dans la remise en service des réacteurs nucléaires en maintenance comme l’un des principaux facteurs de risque. En outre, dans un autre rapport publié au même moment, RTE souligne un déficit de certifications de capacité compris entre 4,6 et 7,9 GW – ce qui a eu un impact important sur le prix des garanties de capacité pour le produit AL2020.

Cette fois, l’impact sur les marchés de futures a été faible, avec une légère augmentation des prix. Cependant, les prévisions pessimistes de RTE se sont clairement reflétées dans les enchères de capacités : les capacités pour 2020, qui s’échangeaient jusque-là à un prix moyen de 19,5 k€/MW, ont atteint 45 k€/MW, et celles pour 2021 ont atteint 47 k€/MW contre 19,2 k€/MW lors de la dernière enchère. Rappelons que les certifications sont normalement effectuées sur la base de prévisions de fonctionnement à des périodes spécifiques. Pour l’AL2020, à ce moment-là, cette prévision portait plus précisément sur novembre et décembre 2020.

À ces dates, la disponibilité observée du parc nucléaire était sensiblement plus élevée que celle observée en avril. Par exemple, la prévision de disponibilité pour décembre 2020 était de plus de 57 GW en juin contre 46,7 GW en avril. Cette augmentation de +24% n’a cependant pas été prise en compte dans le rapport publié par RTE, qui prévoyait une disponibilité nucléaire moyenne pour décembre 2020 comprise entre 43 et 50 GW.

Quelle est la raison de cette disparité dans les chiffres ? Il semble que RTE ne partageait pas le point de vue optimiste d’EDF sur la disponibilité de son parc nucléaire, et s’attendait à des retards importants au-delà de ceux officiellement déclarés.

A l’approche de l’hiver, RTE a mis à jour son rapport sur le risque d’approvisionnement, en augmentant légèrement la prévision de disponibilité du parc nucléaire, tout en le maintenant sous « surveillance spéciale ». RTE a de nouveau souligné comme risque principal la remise en service des nombreuses centrales nucléaires en maintenance, prévue dans les semaines suivantes, en mettant en évidence les « arrêts atypiques » de 5 réacteurs dont le risque de retard apparaissait plus important que pour les autres.

Il semble que EDF, à cette époque, ait mis de côté son optimisme et ait annoncé une disponibilité moindre (-9 GW) pour novembre, -3,5 GW pour décembre 2020 et janvier 2021, laissant inchangée sa vision pour février 2021. Pour sa part, EDF n’a pas jugé opportun d’aligner sa prévision de certification de capacité nucléaire, qui restait à 42,7 GW, bien en dessous de la disponibilité moyenne attendue par EDF lui-même. Il faut ici souligner une incohérence qui a des conséquences sur le marché de capacité. Si EDF annonce des programmes de maintenance, et implicitement une puissance disponible, les estimations de certification de cette capacité devraient être reflétées dans les certifications évoluées, ce qui ne semblait pas être le cas. Si les prévisions d’EDF et de RTE se rapprochaient progressivement, principalement en raison d’une baisse d’optimisme de la part d’EDF, elles étaient encore éloignées l’une de l’autre : environ 48 GW prévus par RTE pour décembre 2020 contre 54 GW prévus par EDF.

Finalement, EDF a progressivement accepté la réalité et a réduit les prévisions de disponibilité : de 54 GW en moyenne pour novembre et décembre 2020 en novembre, à 50 GW en décembre, et enfin 47 GW – dans la fourchette prévue par RTE. En ce qui concerne la certification nucléaire, le processus a été plus lent et dans le sens inverse. Ainsi, la certification est passée de 42,7 GW en novembre à 44,2 en janvier. Finalement, il ne semble pas y avoir eu de déficit de certification en 2020 et la production disponible aurait été suffisante pour assurer l’approvisionnement en électricité sans problèmes majeurs.

Au vu des événements de 2020, nous comprenons que le système doit s’améliorer en matière de transparence. Sans aucun doute, cela devrait être l’une des conclusions du « retour d’expérience » que la CRE a récemment lancé sur le mécanisme de capacité. Et, avec un certain optimisme, nous pensons qu’à moyen terme, les informations disponibles seront plus fiables. Tout en espérant cette plus grande transparence, nous recommandons à nos lecteurs d’approfondir les sources disponibles et de repérer les incohérences pour d’affiner leurs prévisions. Bonne chance !

Manuel Domínguez León

[1] Variation de prix entre le 15/04/2020 et le 22/04/2020.

[2] Ecart de prévision de la disponibilité entre le 01/01/2020 et le 23/04/2020.

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Diego est consultant chez Haya Energy Solutions. Il a 1 d’expérience dans le développement de modèles pour la prévision des prix de l’énergie, la disponibilité et la production d’énergie et l’optimisation des batteries.

Diego est titulaire d’un diplôme en Économie et Politique du King’s College de Londres et d’un double master en Gestion et en Informatique de l’Université IE de Madrid.

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Céline est directrice du développement commercial et de l’administration chez Haya Energy Solutions. Elle joue un rôle clé dans la croissance de l’entreprise en développant sa présence sur le marché, en renforçant le positionnement de la marque au niveau européen et en élaborant des plans stratégiques de marketing. Elle dirige également les opérations administratives de l’entreprise, assurant une gestion financière efficace, y compris la comptabilité et le suivi du budget.

En plus, elle est consultante chez Haya Energy Solutions, spécialisée dans l’optimisation de l’approvisionnement en énergie grâce à l’analyse des tendances du marché et des évolutions réglementaires. Elle fournit également des conseils stratégiques afin d’identifier les opportunités et d’adapter les solutions aux besoins spécifiques de chaque client.

Céline est titulaire d’une licence en LLCER de l’Université de la Sorbonne et d’un master en Gestion de Projets et Tourisme Culturel de l’Université de Clermont-Ferrand.

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« La décarbonisation des secteurs de l’énergie et des transports est sans doute aujourd’hui le principal moteur économique de l’industrie. »

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Il a débuté sa carrière dans le génie civil en tant que chef de projet en France, en Martinique et en Australie. Par la suite, il devient directeur général d’une filiale au Venezuela. En 1992, il crée une filale pour Dalkia en Allemagne (chauffage urbain, cogénération et partenariats) et représente Véolia en Thaïlande. En 2000, il a ouvert le bureau commercial d’Endesa en France pour profiter de la libéralisation du marché de détail. A partir de 2006, en tant que responsable du développement chez Endesa France, il a dirigé le plan d’Endesa pour la production à cycle combiné gaz en France et a simultanément développé le portefeuille éolien et photovoltaïque de la Snet. 

Philippe a ensuite travaillé pendant 3 ans au siège d’E.ON pour coordonner les activités de l’entreprise en France. Il a été fortement impliqué dans le projet français de renouvellement de la concession hydroélectrique. En tant que Senior Vice President – Project Director chez Solvay Energy Services d’avril 2012 à février 2014, il était en charge des projets de déploiement H2/Power to gas et d’accès direct au marché européen. Philippe est un expert pour HES depuis 2014.

Philippe est ingénieur diplômé de l’Ecole Polytechnique et de l’Ecole Nationale des Ponts & Chaussées (France) et possède une expérience combinée de plus de 25 ans en énergie et infrastructures. En plus de l’anglais, M. Boulanger parle couramment le français, l’allemand et l’espagnol.

Philippe Boulanger

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Philippe Boulanger expert

« Le monde est en train de changer. De nouveaux investisseurs accordent une attention particulière au secteur de l’énergie alors que les acteurs historiques adaptent leur position sur le marché. »

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Antonio est le fondateur et le président d’Haya Energy Solutions, une société de conseil dans le secteur de l’énergie, spécialisée dans les projets de fusion et d’acquisition (M&A), dans les domaines de la production d’énergie renouvelable et conventionnelle, de la cogénération, du chauffage urbain, de la vente au détail de gaz et d’électricité, de l’approvisionnement en énergie et de l’optimisation énergétique en France, Espagne, Portugal, Allemagne et Royaume-Uni.

Avant cela, Antonio a été PDG de CELEST Power de KKR en France (2x410MW CCGT). Il a également été DG d’Endesa France et secrétaire général, directeur de la stratégie et du développement d’entreprise chez E.ON France. Auparavant, il a occupé différents postes chez Endesa, notamment celui de responsable des fusions et acquisitions et de spécialiste de la réglementation.

Antonio est titulaire d’un MBA de l’Université de Deusto et d’un diplôme en Ingénierie Industrielle de l’École Technique Supérieure d’Ingénierie de l’Université de Séville.

Antonio Haya

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