Interruptibilité gaz : la fin d’une longue saga ?

Le mois de décembre 2019 aura vu la publication d’un nombre impressionnant de textes concernant la régulation du secteur du gaz naturel en France… Après les délibérations de la Commission de Régulation de l’Energie (CRE) concernant les projets tarifaires pour le transport et le stockage de gaz naturel au 1er avril 2020 (ATRT7 et ATS2), ainsi que le projet tarifaire pour la distribution de gaz naturel au 1er juillet 2020 (ATRD6) – tous applicables pour les 4 ans à venir – le gouvernement a publié le 19 décembre l’arrêté fixant les modalités du mécanisme d’interruptibilité de la consommation de gaz naturel, ainsi qu’un arrêté précisant le volume total maximum des contrats d’interruptibilité garantie.

Ces arrêtés sont le résultat d’un long processus, trouvant son origine dans la loi de Transition énergétique pour la croissance verte (LTECV) d’août 2015… Il aura fallu plus de 4 années de projets et de revirements successifs pour parvenir à la publication de ces textes ! Mais est-ce vraiment le point final de cette saga ?

Pas vraiment… En effet, la CRE a pris le soin de préciser, dans sa délibération sur l’ATRT7 du 12 décembre dernier, qu’elle « considère qu’une extension du périmètre de collecte du terme tarifaire stockage aux clients raccordés au réseau de transport est souhaitable sous condition de la mise en œuvre des dispositifs d’interruptibilité prévus par les articles L. 431-6-2 et L. 431-6-3 du code de l’énergie. La CRE souligne qu’une fois les textes réglementaires d’application liés à l’interruptibilité publiés, un délai minimal de 12 mois sera nécessaire pour assurer la contractualisation des capacités interruptibles par les utilisateurs des réseaux. »

Un an de patience supplémentaire donc… et la régulation ATS prenant effet chaque année au 1er avril, l’objectif sera maintenant de ne pas rater le 1er avril 2021 !

Pendant ce temps, un résumé succinct des arrêtés en question pourra être utile :

  1. L’Interruptibilité garantie

L’interruptibilité garantie peut être contractualisée par les seuls gestionnaires de réseau de transport (GRT) avec des consommateurs de gaz naturel agréés, dans la limite de volumes à contractualiser fixés par arrêté du ministre chargé de l’énergie. Un consommateur de gaz naturel raccordé à un réseau de transport s’engage à offrir tout au long de l’année au gestionnaire de ce réseau une flexibilité pour faire face à un aléa en contrepartie d’une rémunération, et les GRT (GRTgaz et Teréga) procèdent par appel d’offres. L’autre arrêté publié en décembre dernier précise le volume total maximum de ces contrats d’interruptibilité, qui est de 48 000 MWh par jour pour les contrats conclus par GRTgaz, et 2 000 MWh par jour pour les contrats conclus par Teréga. C’est moitié moins que ce que prévoyait le projet d’arrêté soumis au Conseil supérieur de l’énergie (CSE) en juillet, pendant que le projet de Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) propose un objectif de développement de l’interruptibilité de la consommation de gaz naturel à hauteur de 200 GWh/j en 2023…

Il reste donc de la marge ! De même, en ce qui concerne les niveaux de rémunération (sous appel d’offre), l’arrêté précise : « la demande de compensation doit être inférieure ou égale à 80 euros par mégawattheure par jour par an de capacité interruptible. » C’est un niveau faible, fixé ex ante, et correspondant au coût estimé d’un service similaire fourni par d’éventuels stockages stratégiques…

  1. L’interruptibilité secondaire

Les contrats d’interruptibilité secondaire sont un deuxième dispositif, moins contraignant et plus largement accessible que le premier, qui permet aux GRT ainsi qu’aux GRD la contractualisation de capacités interruptibles, sans rémunération.

Ouverte à tous les sites (y compris le chauffage urbain), l’interruptibilité « secondaire » permettra par contre aux sites agréés d’être exemptés de la compensation stockage.

En Distribution, cette approche remplacera le mécanisme actuel du PUG (Plan d’Urgence Gaz) et de la délestabilité, et sera mise en place dès le 1er avril de cette année. En Transport, tous les sites sont actuellement exemptés de la compensation stockage. Mais dans sa décision ATRT7 juste publiée, la CRE a indiqué : « la CRE considère qu’une extension du périmètre de collecte du terme tarifaire stockage aux clients raccordés au réseau de transport est souhaitable sous condition de la mise en œuvre des dispositifs d’interruptibilité prévus par les articles L. 431-6-2 et L. 431-6-3 du code de l’énergie. » C’est donc maintenant chose faite !

  1. Contribution Stockage pour tous ?

A priori, l’élargissement de la compensation stockage aux sites en Transport interviendra pour le 1er avril 2021. Si la CRE prévoit de modifier la définition de la modulation hivernale pour les clients à souscription pour une formule fondée sur la différence entre la consommation moyenne hivernale (et non plus capacité journalière, correspondant au besoin en pointe) et la consommation moyenne annuelle de ces clients, l’extension de la compensation stockage aux sites transport promet d’être problématique pour beaucoup de sites qui ne pourront pas se déclarer interruptibles « secondaires », en particulier les CCGT.

Cependant, l’article 26 du nouvel arrêté interruptibilité offre une porte de sortie aux producteurs d’électricité :

« Le consommateur agréé pour un lieu de consommation raccordé au réseau de transport de gaz utilisant le gaz naturel pour produire de l’électricité peut décider d’opter pour les modalités d’interruptibilité alternatives en cas d’activation du dispositif d’interruptibilité secondaire transport sur une journée gazière, au sens du règlement (UE) no 312/2014 de la Commission du 26 mars 2014 susvisé, concomitante avec la période de pointe PP2 mentionnée à l’article R. 335-1 du code de l’énergie.

Avec ces modalités alternatives :

  1. La consommation du lieu de consommation raccordé au réseau de transport de gaz utilisant le gaz naturel pour produire de l’électricité entre 6 h 30 et 20 h 30 de cette journée gazière est inférieure ou égale à la capacité ferme souscrite pour l’acheminement du gaz vers le point de livraison dont dépend le lieu de consommation ;
  2. La consommation du lieu de consommation raccordé au réseau de transport de gaz utilisant le gaz naturel pour produire de l’électricité durant le reste de cette journée gazière est inférieure ou égale au maximum entre 5% de la capacité ferme souscrite pour l’acheminement du gaz vers le point de livraison dont dépend le lieu de consommation et la différence entre cette capacité ferme souscrite et la capacité interruptible contractualisée multipliée par 2,1. »

La contribution des sites producteurs d’électricité à la reconstitution du stockage en ligne pendant la nuit (en dehors des heures de pointe) a donc été reconnue !

A noter que l’offre Interruptible d’Acheminement à Préavis Court (IAPC), bénéficiant actuellement à certaines centrales à cycle combiné gaz (CCCG), sera supprimée à compter du 1er avril 2020… avec une estimation du coût annuel de cette suppression de l’ordre de 1,7 M€ par tranche de 400 MW, on peut s’attendre à ce que les centrales concernées fassent pression pour bénéficier de la disposition qui accompagnait l’offre IAPC jusqu’à présent, à savoir « la résiliation de cette offre optionnelle fait l’objet d’un préavis minimum de quatre ans. ». La saga n’est pas terminée…

Philippe Lamboley

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Il a débuté sa carrière dans le génie civil en tant que chef de projet en France, en Martinique et en Australie. Par la suite, il devient directeur général d’une filiale au Venezuela. En 1992, il crée une filale pour Dalkia en Allemagne (chauffage urbain, cogénération et partenariats) et représente Véolia en Thaïlande. En 2000, il a ouvert le bureau commercial d’Endesa en France pour profiter de la libéralisation du marché de détail. A partir de 2006, en tant que responsable du développement chez Endesa France, il a dirigé le plan d’Endesa pour la production à cycle combiné gaz en France et a simultanément développé le portefeuille éolien et photovoltaïque de la Snet. 

Philippe a ensuite travaillé pendant 3 ans au siège d’E.ON pour coordonner les activités de l’entreprise en France. Il a été fortement impliqué dans le projet français de renouvellement de la concession hydroélectrique. En tant que Senior Vice President – Project Director chez Solvay Energy Services d’avril 2012 à février 2014, il était en charge des projets de déploiement H2/Power to gas et d’accès direct au marché européen. Philippe est un expert pour HES depuis 2014.

Philippe est ingénieur diplômé de l’Ecole Polytechnique et de l’Ecole Nationale des Ponts & Chaussées (France) et possède une expérience combinée de plus de 25 ans en énergie et infrastructures. En plus de l’anglais, M. Boulanger parle couramment le français, l’allemand et l’espagnol.

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« Le monde est en train de changer. De nouveaux investisseurs accordent une attention particulière au secteur de l’énergie alors que les acteurs historiques adaptent leur position sur le marché. »

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Antonio est le fondateur et le président d’Haya Energy Solutions, une société de conseil dans le secteur de l’énergie, spécialisée dans les projets de fusion et d’acquisition (M&A), dans les domaines de la production d’énergie renouvelable et conventionnelle, de la cogénération, du chauffage urbain, de la vente au détail de gaz et d’électricité, de l’approvisionnement en énergie et de l’optimisation énergétique en France, Espagne, Portugal, Allemagne et Royaume-Uni.

Avant cela, Antonio a été PDG de CELEST Power de KKR en France (2x410MW CCGT). Il a également été DG d’Endesa France et secrétaire général, directeur de la stratégie et du développement d’entreprise chez E.ON France. Auparavant, il a occupé différents postes chez Endesa, notamment celui de responsable des fusions et acquisitions et de spécialiste de la réglementation.

Antonio est titulaire d’un MBA de l’Université de Deusto et d’un diplôme en Ingénierie Industrielle de l’École Technique Supérieure d’Ingénierie de l’Université de Séville.

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