La Force du Bilan

Le 7 novembre dernier, RTE publiait la synthèse du Bilan Prévisionnel 2017 (la version complète a été rendue publique le 16 de janvier 2018). Les effets ont été immédiats : le jour même, le ministre de la Transition écologique Nicolas Hulot annonçait que l’objectif de réduction de la production nucléaire à 50% à l’horizon 2025 n’était pas viable et devait être différé. Il est évident que la Force accompagne le Bilan de RTE.

Commençons par l’essentiel. Le Bilan Prévisionnel (BP) est un exercice de planification électrique où l’on analyse l’adéquation de la production aux besoins du système (demande). RTE, en tant que planificateur du réseau et par mandat légal, effectue cet exercice avec une certaine régularité. Il réalise tous les ans un BP avec un horizon de moyen terme (pour les 5 prochaines années) et tous les 3 ans il réalise un exercice de long terme (qui dans le cas présent va jusqu’en 2035).

On attendait beaucoup du BP de cette année. Premièrement parce que la méthodologie annoncée par RTE différait de celle utilisée dans les exercices des années précédentes et, deuxièmement, parce que la politique énergétique du précédent quinquennat avait été marquée par des lignes d’action extrêmes, particulièrement en ce qui concerne la réduction de la part nucléaire dans le mix électrique. Nous attendions tous de voir comment le BP refléterait les conséquences de cette politique énergétique. RTE ne nous a déçu sur aucun de ces points et a fait, il faut le reconnaître, du très bon travail.

Du point de vue méthodologique, RTE a décidé, avec beaucoup de discernement, d’inclure dans la planification la variable économique (qui n’était pas traitée jusqu’à maintenant). Etant donné que la production d’électricité se fait dans des conditions de marché, outre le fait de refléter les conséquences des politiques énergétiques sur la production, il fallait tenir compte des signaux de marché et de leurs conséquences dans les décisions d’investissement de nouvelle génération non réglementées. Du côté de la demande, il fallait aussi inclure la composante économique pour refléter la capacité des consommateurs à réaliser des investissements en efficacité énergétique. De cette façon, RTE a la possibilité de refléter l’équilibre offre/demande dans des conditions de marché.

Du point de vue politique, le BP devait affronter la loi de Transition Energétique pour la Croissance Verte (LTECV) et sa réduction de la part de l’énergie nucléaire dans le mix énergétique français de 75% à 50% d’ici à 2025. A vrai dire, toute l’analyse de RTE dans ce BP tourne autour de cette question clé. Les scénarios étudiés par RTE déterminent quand se produit ce point d’inflexion selon les différentes restrictions imposées : exécution de la LTECV (scénario Ohm) ; éviter de nouvelles installations thermiques (Ampère) ; ne pas dépasser un certain niveau d’émissions (Hertz) ; réduire la production nucléaire graduellement de la façon la moins coûteuse possible (Volt) ; ou arrêter des unités nucléaires pour leur 40ème anniversaire (Watt). Cinq scénarios qui sont autant d’efforts pour contrecarrer les plans du « côté obscur », autant de démonstrations que cet objectif de 50% nucléaire dans le mix électrique en 2025 (fixé sans concertation ni analyse préalable) signifie forcément plus d’émissions carbone, bref autant de tentatives de ramener l’équilibre dans la Force.

Et RTE s’est montré habile dans cet exercice – peut être que le changement de présidence y a été pour quelque chose – en utilisant son raisonnement préféré : celui de la sécurité d’’approvisionnement. RTE commence son analyse avec l’horizon immédiat 2018-2022. Il explique qu’il n’y a pas de marge de manœuvre, qu’en termes de sécurité il faut choisir : ou l’on ferme les centrales à charbon, ou l’on ferme les centrales nucléaires qui atteignent 40 ans d’âge. Si les deux choses se faisaient en même temps, le critère de sécurité ne serait plus tenu. Face au choix entre le charbon ou le nucléaire, même les écologistes acceptent le moindre mal.  Le scénario Ohm (LTEC compatible) poursuit en expliquant que la disparition rapide du nucléaire irait de pair avec l’investissement dans de nouvelles centrales thermiques et l’augmentation des émissions de CO2 en France. Suffisant pour ouvrir une voie royale (sic) au gouvernement pour un changement de cap. Le jour même de la publication de la note de synthèse de RTE, Nicolas Hulot annonçait en conférence de presse un retard nécessaire dans l’objectif de réduction de la production nucléaire : « Si on veut maintenir la date de 2025 pour ramener le nucléaire à 50 % [du « mix » électrique], ça se fera au détriment de nos objectifs climatiques ».

Les conclusions de cette première partie du BP étaient évidentes, tout du moins pour les spécialistes du secteur : à court terme, moins de nucléaire signifierait plus d’émissions (c’est le cas de l’Allemagne). Rien de bien nouveau, mais une bonne justification pour que la politique énergétique précédente disparaisse et initier une nouvelle réflexion sur l’avenir énergétique de la France.

Et c’est dans cette réflexion prospective que l’analyse de RTE apporte une véritable valeur. Une fois débarrassés de la restriction de 50% de nucléaire, que faudrait-il faire pour assumer une politique énergétique en phase avec l’objectif climatique ? RTE ne répond pas à cette question, ce n’est pas son rôle, mais montre les conséquences du choix d’une option ou d’une autre pour le système électrique.  Les quatre scénarios définis par RTE atteignent systématiquement l’objectif de 40% de production d’électricité à base d’énergies renouvelables à l’horizon 2035. Mais ils le font par des chemins différents : avec une réduction immédiate de la production nucléaire ; avec un déploiement massif et accéléré de renouvelables ou par des chemins moins extrêmes. Les différents scenarios élaborés par RTE ont la qualité d’être cohérents du point de vue de la sécurité du système. Qui plus est, RTE a calculé  la composante économique des différentes alternatives. En définitive, avec ce BP, RTE propose l’arme définitive pour que les décideurs de la future politique énergétique (dans son versant électrique) prennent leurs décisions en pleine connaissance de cause. Le premier pas a été fait. Chapeau à RTE !

Maintenant, il n’y a plus qu’à attendre que les décideurs s’approprient le nouveau Bilan (400 pages à avaler) et qu’ils lancent une concertation pour établir un chemin cohérent pour respecter les objectifs climatiques.

Comme l’explique RTE, le système de 2035 sera le reflet des décisions qui seront prises aujourd’hui.

Espérons qu’elles soient les meilleures…. Que la Force soit avec le bilan et les décideurs.

 

Antonio Haya

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Il a débuté sa carrière dans le génie civil en tant que chef de projet en France, en Martinique et en Australie. Par la suite, il devient directeur général d’une filiale au Venezuela. En 1992, il crée une filale pour Dalkia en Allemagne (chauffage urbain, cogénération et partenariats) et représente Véolia en Thaïlande. En 2000, il a ouvert le bureau commercial d’Endesa en France pour profiter de la libéralisation du marché de détail. A partir de 2006, en tant que responsable du développement chez Endesa France, il a dirigé le plan d’Endesa pour la production à cycle combiné gaz en France et a simultanément développé le portefeuille éolien et photovoltaïque de la Snet. 

Philippe a ensuite travaillé pendant 3 ans au siège d’E.ON pour coordonner les activités de l’entreprise en France. Il a été fortement impliqué dans le projet français de renouvellement de la concession hydroélectrique. En tant que Senior Vice President – Project Director chez Solvay Energy Services d’avril 2012 à février 2014, il était en charge des projets de déploiement H2/Power to gas et d’accès direct au marché européen. Philippe est un expert pour HES depuis 2014.

Philippe est ingénieur diplômé de l’Ecole Polytechnique et de l’Ecole Nationale des Ponts & Chaussées (France) et possède une expérience combinée de plus de 25 ans en énergie et infrastructures. En plus de l’anglais, M. Boulanger parle couramment le français, l’allemand et l’espagnol.

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« Le monde est en train de changer. De nouveaux investisseurs accordent une attention particulière au secteur de l’énergie alors que les acteurs historiques adaptent leur position sur le marché. »

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Antonio est le fondateur et le président d’Haya Energy Solutions, une société de conseil dans le secteur de l’énergie, spécialisée dans les projets de fusion et d’acquisition (M&A), dans les domaines de la production d’énergie renouvelable et conventionnelle, de la cogénération, du chauffage urbain, de la vente au détail de gaz et d’électricité, de l’approvisionnement en énergie et de l’optimisation énergétique en France, Espagne, Portugal, Allemagne et Royaume-Uni.

Avant cela, Antonio a été PDG de CELEST Power de KKR en France (2x410MW CCGT). Il a également été DG d’Endesa France et secrétaire général, directeur de la stratégie et du développement d’entreprise chez E.ON France. Auparavant, il a occupé différents postes chez Endesa, notamment celui de responsable des fusions et acquisitions et de spécialiste de la réglementation.

Antonio est titulaire d’un MBA de l’Université de Deusto et d’un diplôme en Ingénierie Industrielle de l’École Technique Supérieure d’Ingénierie de l’Université de Séville.

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