Jusqu’à présent, la France n’avait pas particulièrement brillé par sa ponctualité pour transposer les Directives Européennes relatives au secteur de l’énergie. En effet c’est seulement le 10 février 2000, soit avec plus d’un an de retard, que la directive du 19 décembre 1996 concernant les règles communes pour le marché intérieur de l’électricité a été transposée dans le droit français. Quant au gaz naturel, c’est avec plus de 2 ans de retard et à l’issue d’un intense débat ayant suscité près de 700 amendements parlementaires que la loi du 3 janvier 2003 transposa la directive du 22 juin 1998, concernant les règles communes pour le marché intérieur du gaz naturel. D’aucuns ayant interprété ces retards comme une manque d’enthousiasme français vis-à-vis du processus d’ouverture des marchés de l’énergie.
Par contre, en ce qui concerne la rémunération des capacités, la France est en train de se positionner comme pionnière pour la mise en place d’un mécanisme conforme aux principes définis par la Commission Européenne, notamment sur le sujet de la participation transfrontalière des capacités étrangères dans les mécanismes de capacité.
Et pourtant, avec le lancement de l’enquête approfondie de la Commission sur le mécanisme de capacité français en novembre 2015, l’affaire semblait bien mal engagée !
Les intenses négociations et consultations avec les parties prenantes, qui ont culminé pendant l’été 2016, ont permis d’obtenir la décision d’approbation de la Commission européenne du 8 novembre 2016 moyennant la mise en œuvre de trois piliers de mesures :
- Pilier concurrentiel : Année de livraison 2017
- Pilier relatif à la participation des capacités transfrontalières : Année de livraison 2019
- Pilier visant à favoriser les investissements dans les nouvelles capacités : Année de livraison 2019
Les règles du mécanisme français telles que publiées par l’Arrêté du 29 novembre 2016 ont traité le pilier concurrentiel à la satisfaction de la Commission et les deux autres piliers font l’objet d’une concertation bien avancée, organisée par le RTE depuis le printemps 2017.
Ces changements devant entrainer une modification du décret du 14 décembre 2012, le calendrier (serré) est le suivant :
- Septembre 2017 : Propositions de décret (publication attendue décembre 2017)
- Octobre 2017 : Reprise de la concertation sur les nouvelles règles
- Mi 2018 : Publication des nouvelles règles
- 2019 : Entrée en vigueur de la participation explicite et premiers appels d’offres pour les nouvelles capacités
Les premiers éléments qui ressortent actuellement des consultations sont les suivants :
Capacités transfrontalières : les premières participations explicites de capacités étrangères sont prévues dès l’année de livraison (AL) 2019
- 1ère étape : détermination (via une étude probabiliste) d’un volume global alloué à la participation explicite des entités étrangères (Juillet-août 2018).
- 2e étape : définition d’une clé de répartition de ce volume global, afin d’octroyer un certain niveau de tickets d’interconnexion par frontière où la solution hybride est mise en place (Juillet-août 2018).
- 3e étape : organisation, par frontière où la solution hybride est mise en place, d’enchères sur les tickets d’interconnexion (Septembre 2018).
- 4e étape : certification des capacités de production/d’effacement frontalières ayant acquis des tickets d’interconnexion et contrôle de ces capacités durant l’année de livraison (Ces capacités pourront participer aux enchères EPEX Spot pour AL 19, 2 à 3 en 2018).
Contractualisation long terme : 3 enchères sont prévues en 2019 pour couvrir les périodes allant respectivement de 2020 à 2026, de 2021 à 2027 et de 2022 à 2028.
- Objectifs : Concurrentiel, accompagnement de la transition énergétique, réduction du coût pour les consommateurs, non distorsion du marché.
- Eligibilité : Le dispositif est ouvert à toute nouvelle capacité qui ne dispose pas déjà d’un mécanisme de soutien.
- Contractualisation : Contrat pour différence d’une durée de 7 ans.
- Sélection : La sélection se fera par enchère en confrontant les offres avec une courbe de demande, laquelle intégrera un modèle d’adéquation probabiliste comprenant une modélisation du marché et sera recalée en tenant compte de la valeur de la capacité sur le marché.
Ces modifications ne seront pas sans occasionner quelques difficultés pour les acteurs. A titre d’illustration nous souhaitons soulever le cas de la première enchère capacité pour AL 2019, qui est prévue en décembre 2017 : à cette date, des paramètres impactant l’équilibre offre/demande ne seront pas encore définis. En particulier les acteurs ne connaîtront pas le coefficient de sécurité qui s’appliquera à leurs obligations (facteur qui augmentera en fonction des participations explicites retenues) et ces capacités étrangères ne pourront pas encore participer. La contractualisation pluriannuelle, quant à elle, risque de compliquer pour le fournisseur le coût de référence de la capacité.
Alors que le débat sur le nouveau paquet (le 4ème) bat son plein, y compris en ce qui concerne la refonte du Règlement du Parlement Européen et du Conseil sur le marché intérieur de l’électricité, il semble déjà acquis que le mécanisme de rémunération des capacités français sera bien conforme à ce règlement (Article 22), et ce par anticipation…