Depuis que le Royaume-Uni a voté pour se séparer de l’UE le 23 juin dernier (référendum sur le «Brexit »), les premiers signes des conséquences que ce divorce aura dans le secteur de l’énergie sont vite apparus.
L’impact immédiat a été une baisse de la livre sterling, qui est à son niveau le plus bas depuis plus de trente ans par rapport au dollar :
Cette baisse a entrainé deux mouvements sur les marchés de l’énergie dans des directions très différentes. Malheureusement, aucun de ces mouvements n’est bon pour les utilisateurs de gaz naturel au Royaume-Uni, à l’approche de l’hiver et de la baisse des températures… et cela n’est pas non plus sans conséquences sur les prix du gaz sur le Continent.
Tout d’abord, la chute de la livre sterling a incité les distributeurs de gaz naturel au détail au Royaume-Uni à supprimer tout nouveau discount, pour maintenir leurs marges dans un environnement de taux de change dégradé. La plupart des observateurs estiment également que des augmentations de taxes et la fin des subventions à l’utilisation de l’énergie sont désormais inévitables, pour contrebalancer les effets de la dévaluation inattendue de la livre sterling sur le budget du Royaume-Uni.
Deuxièmement, le Royaume-Uni a réduit ses réserves de gaz d’hiver – juste à temps pour l’hiver !
Le 15 juillet en effet, Centrica a annoncé qu’il stoppait toute injection de gaz supplémentaire dans le stockage de Rough jusqu’au printemps 2017, pour conduire des tests. Rough compte pour environ 70% de la capacité de stockage de gaz naturel britannique.
Cette nouvelle a immédiatement causé une envolée de plus de 10% des prix à terme du gaz naturel pour l’hiver 2016/2017 au Royaume-Uni, au vu des préoccupations d’un possible manque de gaz pour couvrir la demande accrue pour le chauffage l’hiver venu.
Mais le pire est à venir, car la fermeture du stockage de Rough a créé un effet immédiat sur les prix du gaz naturel, deuxième grand mouvement de l’énergie post-Brexit.
Le changement dramatique dans le cours de la livre sterling a en effet poussé le Royaume-Uni à exporter plus de gaz naturel vers la Belgique (et au-delà vers le marché continental européen) qu’à tout autre moment depuis plus de deux ans : avec la baisse de la livre sterling, il est devenu plus profitable à court terme d’exporter ce gaz non mis en stockage vers Zeebrugge via l’Interconnector, pour profiter de prix fixés en €/MWh.
Nombreux sont d’ailleurs les analystes qui pensent que, même sans les problèmes du stockage de Rough, l’effondrement de la valeur de la livre sterling a été la principale cause des exportations croissantes de gaz de la Grande-Bretagne vers l’Europe. Centrica n’aurait fait que réagir à une baisse des injections… La conséquence immédiate a été une forte baisse du prix du gaz sur le continent, ce qui a bénéficié en particulier aux CCCG en France.
Mais pour le Britannique moyen, l’approche de l’hiver pourrait se révéler dramatique, car il faut s’attendre à un fort accroissement des importations britanniques de gaz l’hiver prochain. Et à cause d’une monnaie dévaluée, ces importations seront beaucoup plus chères que ne l’auraient été des soutirages depuis le stockage de Rough, comme par le passé.
En d’autres termes, nous assistons à l’enclenchement d’un cercle vicieux: la hausse des exportations actuelles de gaz britannique est allée vers les stockages en Europe, et une partie de ce gaz reviendra sous forme d’importations à prix plus élevés quand le temps deviendra plus froid.
Même en étant à l’abri des effets de change, les prix du gaz sur le Continent pendant l’hiver à venir pourraient aussi subir de fortes hausses, en fonction de la rigueur de l’hiver. Si les centrales électriques à gaz (CCCG) ont pu bien profiter de l’effet d’aubaine de la baisse des prix du gaz naturel cet été, la situation pourrait s’inverser l’hiver prochain, avec un pincement des spreads.