Mécanisme de capacité français : De nouvelles règles pour simplifier

Dans le sillage des grandes orientations stratégiques pour l’énergie et le climat, le mix énergétique ­- et le marché dans son ensemble – sont en cours de refonte.

Les sources d’incertitudes ne manquent pas, entre les infrastructures nouvelles ou en cours (IFA2, Nordstream2, EPR), le contexte économique incertain, les contingences épidémiologiques puis le torrent d’aides et investissement annoncés dans des technologies alternatives (hydrogène, batteries, …), et les changements réglementaires (Arenh, tarifs, taxonomie). Le mécanisme de capacité, nonobstant son concours à la sécurité du système électrique, ajoutait une source d’incertitude, et va devoir s’adapter à ce contexte mouvant en devenant plus lisible et transparent pour les acteurs.

Dans le Retour d’expérience organisé par RTE et publié en août dernier (ainsi que dans le dernier Bilan prévisionnel de RTE), étaient mis en évidence le rôle positif du mécanisme de capacité pour assurer la sécurité d’approvisionnement du système électrique, mais également certains de ses dysfonctionnements. Au point que la CRE s’interroge sur « les objectifs […] du mécanisme, leur pertinence dans le contexte de marché d’aujourd’hui, et la capacité du mécanisme à y répondre au meilleur coût pour les consommateurs. »

En amont de la grande réforme prévue dans les règles de la Version 5 (qui passeront par Bruxelles), les règles V4 du Marché de Capacité apportent une partie des adaptations demandées par les acteurs du marché

Quels changements introduisent ces règles V4 du Mécapa, qui s’appliquent dès cette année de livraison 2022 ? On vous explique tout.

La crise de la covid-19 avec les conséquences qu’elle a eues sur le marché français de l’énergie -notamment sur la disponibilité du parc nucléaire – a mis sur toutes les lèvres la montée spectaculaire des prix de la capacité. Le mécanisme de capacité avait été jusque-là un fleuve relativement tranquille (hormis pour ceux qui doivent le gérer chez les producteurs et acteurs obligés et pour les participants aux groupes de travail Mécapa de RTE) où les garanties de capacité s’échangeaient en moyenne autour de 20 000 €/MW.

Rappelons d’emblée que cette flambée de prix n’a pas été à l’origine des débats autour de la refonte du mécanisme, lesquels étaient déjà planifiés : dès 2019, dans son rapport 2018 du fonctionnement des marchés de gros de l’électricité et du gaz naturel, la CRE soulevait des questions sur le market design du mécanisme en constatant que « l’architecture du mécanisme ne permet pas la rencontre efficace de l’offre et de la demande et conduit certains acteurs à ne pas offrir leurs garanties de capacité au niveau du « missing money » de leurs capacités. » et considérait « en conséquence qu’une réflexion doit être lancée pour faire évoluer le design du mécanisme de capacité.».

L’envolée des prix a cependant permis d’accélérer les choses, d’exposer certains dysfonctionnements du mécanisme et de mettre en exergue la notion de coût pour le consommateur (et, implicitement, la notion de prix raisonnable stable) qui est très importante pour les pouvoirs publics.

Dans cette nouvelle mouture des règles publiée au JO en fin décembre 2021, qui a été âprement discutée et a reçu la contribution de 16 acteurs divers et variés[1], il s’agit d’apporter certains changements de règles qui n’introduiront que des aménagements réglementaires laissant l’architecture du mécanisme inchangée, et visant à :

  • Simplifier le fonctionnement opérationnel du mécanisme ;
  • Améliorer certaines modalités ;
  • Et assurer la conformité du mécanisme avec le Règlement Européen sur le fonctionnement intérieur de l’électricité.

Les changements apportés peuvent être catégorisés selon des objectifs visés.

  • Se conformer progressivement au règlement européen sur la limite d’émission de CO2 des actifs pour bénéficier de la rémunération capacitaire :
    • Avec un critère d’émissions spécifiques qui doit être inferieur 550g/kWh et un critère d’émissions annuelles inférieur à 350kg/kW. Une présomption de respect des seuils d’émissions est appliquée aux capacités de génération n’utilisant pas de combustibles fossiles.
  • Apporter plus de visibilité sur les tirages de jours de pointe de consommation (jours PP1) utilisé pour évaluer les obligations de capacité du mécanisme :
    • 11 jours sur le 1er trimestre et 4 jours sur le 4ème trimestre ;
    • Suppression du critère de tirage relatif au prix spot ;
    • Mais la règle de tirage des jours PP2 permet toujours
      • Entre 15 et 25 jours, avec une liberté de placement des 0 à 10 jours PP2 non PP1 ;
      • Et un maximum de 25% des jours PP2 répartis entre mars et novembre ;
    • L’incertitude demeure donc pour les producteurs, et RTE concède de la visibilité essentiellement aux acteurs obligés (fournisseurs).
  • Renforcer le contrôle des acteurs certifiés pour assurer une meilleure observabilité et une meilleure prise en compte de la fiabilité de l’ensemble des capacités certifiées :
    • Les actifs seront testés au moins une fois par an pour s’assurer que toutes les capacités sont testées en charge ;
    • Les tests d’activation seront reflétés dans le calcul du NCE des acteurs.
  • Alléger pour les acteurs certaines modalités jugées contraignantes et dont certaines n’ont pas produits les résultats escomptés par RTE :
    • Pour les plus petits acteurs (capacité inférieure à 1 GW), ne disposant en pratique d’aucun pouvoir de marché, le processus de dérogation du tunnel de certification est allégé, en acceptant implicitement les demandes de dérogation qu’ils déposent.
    • Les multiples « frais incitatifs » de second ordre comme les frais pour sites non conformes et les frais pour sites non certifiés sont supprimés.
    • Il y est également inscrit la possibilité pour une EDC, de changer a posteriori de périmètre de certification pour une année AL jusqu’au 31 mars AL+1.
  • Mais aussi plus de temps pour se rééquilibrer pour les acteurs certifiés :
    • Qui avaient jusqu’au 15 janvier de l’année suivant la livraison (AL+1) ;
    • Et qui pourront dorénavant le faire jusqu’au 30 septembre AL+1 ;
    • Ce qui devrait redonner de l’intérêt à l’enchère de juin AL+1 (et y introduire un prix plancher pour certains acteurs : la rémunération théorique des écarts positifs en AL+3).
  • Et une publication mensuelle de l’équilibre du système qui devrait :
    • Éviter les effets d’à-coups des notes RTE sur le passage de l’hiver ;
    • Donner de la visibilité sur le risque de prix administré, notamment en cours d’année de livraison.
    • Éviter une situation comme celle rencontrée en 2020, où le marché s’était emballé (57 000 €/MW pour AL 2020) pour finir 15 mois plus tard à 5 000 €/MW après que RTE a annoncé que la période AL2020 n’était plus considérée comme tendue.

Cette nouvelle mouture devrait ainsi donner aux acteurs une partie de la visibilité attendue– celle concernant les volumes disponibles et l’équilibre du système – mais pas celle sur le prix. La temporalité diffuse des échanges ne permettant pas l’émergence d’un signal prix fiable conduit certains exploitants de capacité à intégrer des prix de réserve dans leurs offres sur les enchères comme le souligne la CRE.

Pour cette dernière, il s’impose d’accélérer la réforme prévue pour une simplification du mécanisme dès les années 2023 et 2024 comme initié avec ces règles v4. La Commission prévoit, avec RTE et les pouvoirs publics, de mener courant 2022 une réflexion impliquant l’ensemble des acteurs de marché dans la perspective de ces règles v5 du mécanisme de capacité. Ces dernières entreraient en vigueur pour l’année de livraison 2025 et comporteront éventuellement des évolutions structurelles du cadre légal du mécanisme de capacité, nécessitant de rouvrir une discussion avec la DG Concurrence de la Commission Européenne.

Pour être soumises à examen de la Commission Européenne (avant application pour AL 2025), les règles v5 devraient en conséquence être achevées début 2023.

Cette réforme sera dès lors menée de concert avec la mise en place du mécanisme post-Arenh, et s’avérera certainement structurante pour le système électrique français, et pour l’avenir des moyens de production de pointe.

Certains de ces changements ont des conséquences directes et immédiates sur l’approvisionnement et la valorisation pour les protagonistes du mécanisme. Haya Energy Solutions conseille plusieurs acteurs sur cette problématique et reste à votre disposition pour vous aider à adapter votre stratégie d’approvisionnement et/ou de valorisation de capacités dans le mécanisme de capacité français.

Ibrahima Baldé

[1] Deux fédérations de GRD/ELD, trois associations d’acteurs, trois acteurs obligés purs, quatre producteurs purs et cinq acteurs obligés/producteurs.

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Diego est consultant chez Haya Energy Solutions. Il a 1 d’expérience dans le développement de modèles pour la prévision des prix de l’énergie, la disponibilité et la production d’énergie et l’optimisation des batteries.

Diego est titulaire d’un diplôme en Économie et Politique du King’s College de Londres et d’un double master en Gestion et en Informatique de l’Université IE de Madrid.

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Céline est directrice du développement commercial et de l’administration chez Haya Energy Solutions. Elle joue un rôle clé dans la croissance de l’entreprise en développant sa présence sur le marché, en renforçant le positionnement de la marque au niveau européen et en élaborant des plans stratégiques de marketing. Elle dirige également les opérations administratives de l’entreprise, assurant une gestion financière efficace, y compris la comptabilité et le suivi du budget.

En plus, elle est consultante chez Haya Energy Solutions, spécialisée dans l’optimisation de l’approvisionnement en énergie grâce à l’analyse des tendances du marché et des évolutions réglementaires. Elle fournit également des conseils stratégiques afin d’identifier les opportunités et d’adapter les solutions aux besoins spécifiques de chaque client.

Céline est titulaire d’une licence en LLCER de l’Université de la Sorbonne et d’un master en Gestion de Projets et Tourisme Culturel de l’Université de Clermont-Ferrand.

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Il a débuté sa carrière dans le génie civil en tant que chef de projet en France, en Martinique et en Australie. Par la suite, il devient directeur général d’une filiale au Venezuela. En 1992, il crée une filale pour Dalkia en Allemagne (chauffage urbain, cogénération et partenariats) et représente Véolia en Thaïlande. En 2000, il a ouvert le bureau commercial d’Endesa en France pour profiter de la libéralisation du marché de détail. A partir de 2006, en tant que responsable du développement chez Endesa France, il a dirigé le plan d’Endesa pour la production à cycle combiné gaz en France et a simultanément développé le portefeuille éolien et photovoltaïque de la Snet. 

Philippe a ensuite travaillé pendant 3 ans au siège d’E.ON pour coordonner les activités de l’entreprise en France. Il a été fortement impliqué dans le projet français de renouvellement de la concession hydroélectrique. En tant que Senior Vice President – Project Director chez Solvay Energy Services d’avril 2012 à février 2014, il était en charge des projets de déploiement H2/Power to gas et d’accès direct au marché européen. Philippe est un expert pour HES depuis 2014.

Philippe est ingénieur diplômé de l’Ecole Polytechnique et de l’Ecole Nationale des Ponts & Chaussées (France) et possède une expérience combinée de plus de 25 ans en énergie et infrastructures. En plus de l’anglais, M. Boulanger parle couramment le français, l’allemand et l’espagnol.

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« Le monde est en train de changer. De nouveaux investisseurs accordent une attention particulière au secteur de l’énergie alors que les acteurs historiques adaptent leur position sur le marché. »

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Antonio est le fondateur et le président d’Haya Energy Solutions, une société de conseil dans le secteur de l’énergie, spécialisée dans les projets de fusion et d’acquisition (M&A), dans les domaines de la production d’énergie renouvelable et conventionnelle, de la cogénération, du chauffage urbain, de la vente au détail de gaz et d’électricité, de l’approvisionnement en énergie et de l’optimisation énergétique en France, Espagne, Portugal, Allemagne et Royaume-Uni.

Avant cela, Antonio a été PDG de CELEST Power de KKR en France (2x410MW CCGT). Il a également été DG d’Endesa France et secrétaire général, directeur de la stratégie et du développement d’entreprise chez E.ON France. Auparavant, il a occupé différents postes chez Endesa, notamment celui de responsable des fusions et acquisitions et de spécialiste de la réglementation.

Antonio est titulaire d’un MBA de l’Université de Deusto et d’un diplôme en Ingénierie Industrielle de l’École Technique Supérieure d’Ingénierie de l’Université de Séville.

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