Quand le marché de capacité dépassera les bornes… frontières

Depuis décembre dernier, un marché de capacité a été mis en place en France. Cette rémunération des capacités de production par les consommateurs de pointe, qui était prévue dès 2010 par la Loi NOME, a été accordée par L’Europe à la condition expresse que les acteurs transfrontaliers puissent y participer. L’article 4.3 de la directive sur la sécurité des approvisionnements (2005/89 / CE) stipule en effet que « les États membres ne doivent pas faire de discrimination entre les contrats transfrontaliers et Contrats nationaux ».

Cette participation transfrontalière à un mécanisme européen de rémunération des capacités constituerait une première (le mécanisme de capacité britannique ne prévoit la participation des interconnexions qu’à compter de livraison 2019). Ce nonobstant, RTE a diligemment lancé le mois dernier une consultation sur la participation transfrontalière au marché de capacité Français, qui prévoit une application dès l’année de livraison 2019. Au risque d’en essuyer les plâtres ?

Une volonté d’intégration européenne des mécanismes de rémunération des capacités…

Les efforts européens d’intégration de marché se sont jusqu’à présent focalisés sur la sécurité et l’efficacité économique à l’horizon court terme : le day-ahead, l’intraday et, plus récemment, le mécanisme de réserve (voir).

Les mécanismes de rémunération de la capacité, lorsqu’ils sont envisagés, le sont avec peu de coordination en s’appuyant presque essentiellement sur le mix de production domestique, dans le but principal de maintenir un système électrique fiable et autonome ; Une approche battue en brèche par l’Union Européenne, au motif qu’elle apparaît en contradiction avec une conception régionale de la sécurité de l’approvisionnement. La Commission prévoit d’ailleurs l’encadrement strict des mécanismes de capacité, et en particulier de les conditionner aux résultats des études d’adéquation réalisées au niveau européen par l’association des gestionnaires de réseau de transport (GRT), ENTSO-E

Pour l’UE, les mécanismes garantissant l’adéquation de la production devraient être ouverts à toutes les capacités susceptibles de contribuer efficacement au niveau de fiabilité requise, y compris les capacités des autres États membres. Un principe qui ne s’appliquera pourtant pas avant 2019 au mécanisme de capacité en vigueur au Royaume Uni depuis… 2013.

Des écueils techniques

Si les modèles de CM mis en œuvre jusqu’à présent dans l’UE ne permettent pas une participation transfrontalière explicite, c’est en partie parce qu’afin d’inclure la génération d’un système voisin dans un mécanisme de capacité, le gestionnaire de réseau de transport du pays qui met en place le marché de capacités devrait s’assurer que, dans les conditions de pénurie, les ressources étrangères sont en mesure de réaliser leur engagement d’approvisionnement physique lié à la capacité mécanisme. RTE est plus réaliste pour cette participation explicite : les ressources étrangères n’auraient qu’à démontrer leur disponibilité lors des périodes de pénurie.

En effet, ainsi que le relève l’IRENA, la plupart des lois sur l’électricité et les codes des réseaux nationaux en vigueur dans les États membres contiennent toujours des clauses qui soutiennent que les exportations vers d’autres pays seront interrompues en cas d’urgence domestique d’approvisionnement. La levée de cette première barrière suppose une modification coordonnée des codes réseau et des procédures d’exploitation nationales (et régionales) par les TSO.

Des interrogations sur le coût pour le consommateur français

Le passage d’un modèle de participation des moyens transfrontaliers d’implicite à explicite ne devrait pas changer le prix d’équilibre, car l’équilibre offre demande devrait être préservé [le surcroît d’offre devant être compensé par un surcroît de demande lié à l’augmentation du coefficient de sécurité].

Un paramètre sensible pourrait être le coefficient de sécurité de 93% qui a été appliqué aux capacités transfrontalières, pour intégrer la contribution implicite des interconnexions au risque de défaillance. A prix de la capacité constant, si les participations transfrontalières explicites faisaient passer ce coefficient de sécurité de 93% à 98%, le cout du mécanisme de capacité pour le consommateur français augmenterait de 5%. Par contre, une partie du revenu complémentaire que constitue le mécanisme sera transféré des acteurs français vers des acteurs transfrontaliers.

In fine, une partie de ce revenu sera récupérée par le gestionnaire de réseaux via les tickets de réservation de capacité de transport transfrontalière. Si ces tickets captent une part importante de la valeur de la capacité, le consommateur pourrait s’y retrouver.

Un mille-feuille de mécanismes

Mais le problème est plus encore lié à la disparité des politiques énergétiques Européennes, entre mécanismes de redistribution ou de désengagement du nucléaire, subventions hétéroclites des énergies renouvelables selon les Etats membres, différentiels de marchés électriques (spread France-Espagne ou France Italie) ou modalités d’accès aux capacités d’accès aux interconnexions. Comment coordonner des signaux de prix aussi différents pour assurer la sécurité réseau au moindre coût financier et environnemental ?

Or l’expérience des marchés de capacité a montré que l’imbrication des dispositifs de soutien introduisait des distorsions de marché, et conduisait à des surprises de taille. Ainsi la Nouvelle Angleterre qui s’est vu contrainte de mettre en place un prix « seuil » de participation à son marché de capacité, visant à empêcher les capacités non rentables ou subventionnées (renouvelables) de fausser les prix du marché, en fixant un niveau de prix au-dessous duquel les nouveaux entrants doivent démontrer leurs coûts ou se retirer de l’enchère de capacité. On encore plus récemment au Royaume-Uni, en décembre 2016, où les CCGT ont été surclassées à l’enchère T4 par des petites unités, tirant les prix à la baisse bien en dessous des niveaux attendus, et entraînant les émissions polluantes à la hausse !

De belles cogitations en perspective

La participation transfrontalière au mécanisme de capacité, bien que très limitée en volume par l’interconnexion, viendra donc compliquer un peu plus la lisibilité d’un signal prix du marché de capacité en France déjà bien opaque. Mais elle tissera surtout un lien entre les signaux d’investissement Européens. A l’heure où d’autres pays, dont l’Allemagne, envisagent de se tourner plutôt vers un mécanisme de réserve « stratégique » (i.e. soutenant les seuls moyens de production déjà installés), assurer la cohérence de tous ces mécanismes et leur convergence vers un mix énergétique Européen soutenable relèvera bientôt de l’équilibrisme.

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Biographie

Diego est consultant chez Haya Energy Solutions. Il a 1 d’expérience dans le développement de modèles pour la prévision des prix de l’énergie, la disponibilité et la production d’énergie et l’optimisation des batteries.

Diego est titulaire d’un diplôme en Économie et Politique du King’s College de Londres et d’un double master en Gestion et en Informatique de l’Université IE de Madrid.

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Céline est directrice du développement commercial et de l’administration chez Haya Energy Solutions. Elle joue un rôle clé dans la croissance de l’entreprise en développant sa présence sur le marché, en renforçant le positionnement de la marque au niveau européen et en élaborant des plans stratégiques de marketing. Elle dirige également les opérations administratives de l’entreprise, assurant une gestion financière efficace, y compris la comptabilité et le suivi du budget.

En plus, elle est consultante chez Haya Energy Solutions, spécialisée dans l’optimisation de l’approvisionnement en énergie grâce à l’analyse des tendances du marché et des évolutions réglementaires. Elle fournit également des conseils stratégiques afin d’identifier les opportunités et d’adapter les solutions aux besoins spécifiques de chaque client.

Céline est titulaire d’une licence en LLCER de l’Université de la Sorbonne et d’un master en Gestion de Projets et Tourisme Culturel de l’Université de Clermont-Ferrand.

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« La décarbonisation des secteurs de l’énergie et des transports est sans doute aujourd’hui le principal moteur économique de l’industrie. »

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Il a débuté sa carrière dans le génie civil en tant que chef de projet en France, en Martinique et en Australie. Par la suite, il devient directeur général d’une filiale au Venezuela. En 1992, il crée une filale pour Dalkia en Allemagne (chauffage urbain, cogénération et partenariats) et représente Véolia en Thaïlande. En 2000, il a ouvert le bureau commercial d’Endesa en France pour profiter de la libéralisation du marché de détail. A partir de 2006, en tant que responsable du développement chez Endesa France, il a dirigé le plan d’Endesa pour la production à cycle combiné gaz en France et a simultanément développé le portefeuille éolien et photovoltaïque de la Snet. 

Philippe a ensuite travaillé pendant 3 ans au siège d’E.ON pour coordonner les activités de l’entreprise en France. Il a été fortement impliqué dans le projet français de renouvellement de la concession hydroélectrique. En tant que Senior Vice President – Project Director chez Solvay Energy Services d’avril 2012 à février 2014, il était en charge des projets de déploiement H2/Power to gas et d’accès direct au marché européen. Philippe est un expert pour HES depuis 2014.

Philippe est ingénieur diplômé de l’Ecole Polytechnique et de l’Ecole Nationale des Ponts & Chaussées (France) et possède une expérience combinée de plus de 25 ans en énergie et infrastructures. En plus de l’anglais, M. Boulanger parle couramment le français, l’allemand et l’espagnol.

Philippe Boulanger

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Philippe Boulanger expert

« Le monde est en train de changer. De nouveaux investisseurs accordent une attention particulière au secteur de l’énergie alors que les acteurs historiques adaptent leur position sur le marché. »

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Antonio est le fondateur et le président d’Haya Energy Solutions, une société de conseil dans le secteur de l’énergie, spécialisée dans les projets de fusion et d’acquisition (M&A), dans les domaines de la production d’énergie renouvelable et conventionnelle, de la cogénération, du chauffage urbain, de la vente au détail de gaz et d’électricité, de l’approvisionnement en énergie et de l’optimisation énergétique en France, Espagne, Portugal, Allemagne et Royaume-Uni.

Avant cela, Antonio a été PDG de CELEST Power de KKR en France (2x410MW CCGT). Il a également été DG d’Endesa France et secrétaire général, directeur de la stratégie et du développement d’entreprise chez E.ON France. Auparavant, il a occupé différents postes chez Endesa, notamment celui de responsable des fusions et acquisitions et de spécialiste de la réglementation.

Antonio est titulaire d’un MBA de l’Université de Deusto et d’un diplôme en Ingénierie Industrielle de l’École Technique Supérieure d’Ingénierie de l’Université de Séville.

Antonio Haya

Président

Antonio Haya expert