Le défi des Nouveaux Carburants

L’objectif de limitation du réchauffement climatique conduit infailliblement à la nécessité de réduction d’utilisation des énergies fossiles. Cela ne fait aucun doute. Lors de la dernière COP28, plus de 200 pays se sont engagés à « sortir des énergies fossiles » malgré cet accord, aucune échéance n’a été fixée. L’objectif est défini ; les moyens pour y parvenir ne le sont pas tout à fait. Le sujet est maintenant de savoir comment et par quoi pouvons-nous remplacer les combustibles qui ont soutenu l’activité humaine pendant plus de deux siècles.

Les solutions alternatives peuvent être plus ou moins évidentes en fonction de l’usage destiné à chaque combustible. Concernant la production d’électricité, les sources renouvelables telles que l’hydraulique, le photovoltaïque et l’éolien ont atteint un niveau de maturité qui permet une substitution à des prix compétitifs. Pour la production de chaleur, la biomasse, la géothermie, l’exploitation de la chaleur résiduelle provenant des processus industriels, etc. sont des solutions utilisées depuis des décennies (certaines, comme la biomasse, depuis la naissance de notre espèce).

Dans d’autres secteurs d’activité, notamment les transports, le remplacement est plus complexe. Une source d’énergie à usage mobile doit avoir pour caractéristique essentielle, outre un coût compétitif, une densité énergétique (énergie contenue dans un volume) permetant un minimum d’autonomie dans les déplacements. Comme nous le verrons dans cet article, les alternatives aux dérivés du pétrole dans le secteur des transports ne sont pas aussi évidentes qu’il n’y paraît.

Le secteur des transports (routier, maritime et aérien) est responsable de 16 % des émissions mondiales de CO2. D’ailleurs, il se positionne juste après les secteurs de la production d’électricité et de l’industrie. Il est évident que si nous voulons parvenir à zéro émission, nous devons chercher des alternatives aux carburants actuellement utilisés dans les transports.

Graphique 1. Émissions de CO2 par secteur

Une première solution est l’utilisation directe de l’électricité. Tout semble aller si cette dernière est d’origine renouvelable et n’émet pas d’émissions de CO2. En revanche, pour transporter l’électricité dans le véhicule, il faut des accumulateurs (batteries). Les technologies les plus performantes sont coûteuses, utilisent de grandes quantités de métaux et leur densité énergétique est relativement faible. Leur utilisation dans les véhicules légers semble appropriée (malgré leur coût). Pour les navires et les avions, il est clair qu’en termes d’autonomie ou de poids, elles ne représenteront pas la solution idéale. On peut s’attendre à une révolution technologique dans le domaine des batteries, mais pour l’instant elle ne semble pas immédiate.

Une autre alternative est celle des biocarburants,  ceux qui sont fabriqués à partir de matières organiques. Si la source organique provient de cultures dédiées à la fabrication de combustibles (bioéthanol ou biodiesel) se pose rapidement le problème éthique de savoir si le monde doit être en sous-alimentation pour répondre aux besoins en carburant d’une autre partie de la Terre. En revanche, les biocarburants issus de la méthanisation des déchets végétaux sont très bénéfiques pour la lutte contre le changement climatique car ils capturent le méthane qui, autrement, serait rejeté dans l’atmosphère[1] .

Quant à l’utilisation finale de ces biocarburants, le bioéthanol ou le biodiesel sont parfaitement utilisables comme remplacement de l’essence ou du diesel fossile (ils sont utilisés depuis de nombreuses années). Le biométhane, quant à lui, semble tout à fait adapté pour être utilisé dans le transport maritime une fois liquéfié (bio-LNG), afin de pouvoir être transporté en quantités suffisantes.

Le problème structurel de ces biocarburants réside dans la limitation de la ressource primaire. Ils n’existent pas de sources organiques renouvelables en quantité suffisante pour permettre une substitution massive des combustibles fossiles. Les biocarburants de nouvelle génération (3G ou 4G) utilisant des micro-organismes ou des algues n’en sont qu’au stade expérimental et ne devraient pas contribuer, à moyen terme, à la réduction des émissions.

Cela nous amène à une troisième option, nous nommons la technologie power-to-X. Il s’agit d’utiliser l’électricité pour produire de l’hydrogène qui, par synthèse, est converti en d’autres molécules plus faciles à traiter. La production d’hydrogène se fait par électrolyse (décomposition de la molécule d’eau à l’aide d’électricité), un procédé utilisé dans l’industrie depuis plus de deux siècles. Bien entendu, l’électricité doit être d’origine renouvelable ou à faible taux d’émission. L’hydrogène produit ainsi a une très faible densité énergétique et n’est pas facilement stockable. Pour le transport, il doit être comprimé ou liquéfié à très basse température.

Figure 1 (Frases, 2023) Processus de production des e-carburants

Il est donc nécessaire de le combiner avec d’autres molécules pour gagner en densité ou en transportabilité. S’il est combiné avec du CO2 (d’origine biologique ou après captage), il donne lieu à du e-méthanol qui peut être utilisé directement dans les moteurs thermiques classiques. Synthétisé avec de l’azote, il permet de produire de l’ammoniac, facile à transporter. Il est également possible de fabriquer des molécules plus complexes comme le e-gazole ou le e-kérosène, mais à un coût prohibitif.

La dernière famille de carburants est celle à base d’hydrogène d’origine fossile (Blue Hydrogen based fuels) (voir Newsletter sur ce sujet : Hydrogène Vert Europe). Dans ce cas, l’hydrogène est obtenu à partir du gaz naturel, avec captage et stockage du CO2 émis dans le processus. Le coût de cet hydrogène de reformage est relativement compétitif, mais le coût du captage et du stockage du CO2 ne l’est pas. L’acceptation sociale du stockage ne semble pas évidente non plus et la poursuite de l’industrie d’extraction du gaz naturel n’est pas le moyen le plus approprié pour éviter les émissions de méthane. Comme dans le cas du power-to-X, l’ajout de molécules supplémentaires pour générer des carburants liquides rend le carburant final extrêmement cher.

Cela nous amène donc aux questions essentielles de cette transformation énergétique. Actuellement, nous avons la connaissance nécessaire pour fabriquer les alternatives aux énergies fossiles : électricité, biocarburants, hydrogène, power-to-X, etc. Mais à quel prix ? Ces types de carburants sont-ils viables ? Quel sera l’augmentation du prix de l’énergie ?  Sera-t’elle acceptée par la société ? Ces alternatives pourront-elles être mise en œuvre dans tous les pays ?

Sans révolution technologique majeure, le coût des carburants alternatifs semble lié à l’évolution du coût de l’électricité renouvelable (ou à faible émission). Celui-ci dépend à son tour du coût du capital et des conditions d’exploitation (sources d’énergie intermittentes). Dans les meilleures conditions, nous ne nous attendons pas à ce que le coût de l’électricité, en tant que matière première pour la production de carburant de synthèse, soit en dessous de 40-50 €/MWh. Cela supposant, en plus, qu’il y a des sites disponibles appropriés pour produire de l’électricité primaire à grande échelle. À ce coût, il faudra ajouter les investissements dans les électrolyseurs et les pertes d’énergie correspondant à la production d’hydrogène vert (40 %). Si l’on suit la chaîne de production de molécules plus complexes, on additionnera encore les investissements et les pertes énergétiques. Si l’on ajoute à cela les coûts de logistique jusqu’à destination, on arrive à des carburants qui, dans le meilleur des cas, coûteront entre 3 et 7 fois plus cher que les carburants conventionnels. Nous avons un problème !

En conclusion, si nous voulons réduire les émissions de CO2, nous devrons remplacer les combustibles fossiles, mais cela se fera au prix d’une augmentation très importante des coûts de l’énergie. Dans les pays avec des politiques climatiques plus avancées, les objectifs de réduction des émissions obligent pour l’instant d’inclure les biocarburants à des pourcentage réduits qui empêchent le consommateur final de se rendre compte de l’augmentation des coûts. De plus, les nouveaux carburants sont souvent exemptés des impôts et des taxes qui grèvent lourdement les carburants fossiles. Il ne fait aucun doute qu’à mesure que les objectifs de réduction des émissions deviendront plus ambitieux, les effets seront davantage palpables, avec des prix plus élevés pour les consommateurs et/ou des recettes moindres pour les gouvernements.

Pour atteindre l’objectif climatique, nous avons besoin d’un bon équilibre des différentes solutions viables et éviter les positions dogmatiques ou sceptiques. Sur ce chemin incertain vers le Net Zero en 2050, nous espérons qu’ensemble nous serons en mesure de trouver des solutions pragmatiques, acceptables d’un point de vue environnemental et sociétal qui nous permettront de sauver la planète. Bonne chance à nous.

[1] Le méthane émis dans l’atmosphère y reste pendant environ 20 ans et a des effets de réchauffement 80 fois plus intenses que le CO2.

Antonio Haya & María Paz Murillo Prieto

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Expérience professionnelle & Education

Diego est diplômé en Sciences Politiques de l’université King’s College (Londres – 2021). Il a débuté sa carrière professionnelle dans une entreprise familiale à Madrid en tant que responsable des opérations. Par la suite, Diego a suivi un double programme en niveau master en Gestion et en Informatique à l’IE Universidad (Madrid – 2022), au cours duquel il a réalisé son stage en informatique dans une startup. En mai 2023, Diego a rejoint l’équipe de HES en tant que stagiaire spécialisé dans la programmation de modèles. Pour son premier projet, il a développé un outil logiciel afin de modéliser l’indisponibilité du parc nucléaire français. Par la suite, Diego a été impliqué dans le développement de nouveaux outils logiciels pour modéliser les courbes de prix, la performance des actifs de production et d’autres sujets liés au secteur énergétique. Depuis janvier 2024, Diego est en contrat indéfini chez HES. 

Diego Marroquín

Consultant Junior

Diego Marroquín

Expérience professionnelle

Céline a rejoint l’équipe de Haya Energy Solutions en novembre 2021 en tant que responsable du marketing et de l’administration. Lors de sa première expérience professionnelle, dans le secteur du tourisme, elle exerça en tant que managerdes réseaux sociaux. Chez HES, ses missions participent au développement de notoriété et de visibilité de l’entreprise au niveau européen au travers d’actions commerciales (relations avec le client), marketing de contenu et développement de la stratégie de marque. Céline est également impliquée dans la gestion de la communication de l’entreprise : création et optimisation du site internet (WordPress & Elementor), LinkedIn, envoie de la newsletter mensuelle et organisation de conférences. De plus, Céline est impliquée dans les projets énergétiques avec les clients et agit en tant que coordinatrice de projets ou cheffe de projet. Enfin, elle est en charge de l’administration de l’entreprise (comptabilité, gestion des frais, facturation). 

Formation

Céline est diplômée en LLCER langues espagnole et anglaise à La Sorbonne (France – 2018) et est titulaire d’un Master en gestion de projets et tourisme culturel (Clermont-Ferrand/ Buenos Aires – 2021).     

Céline Haya Sauvage

Responsable Marketing

Céline Sauvage

Conseil en investissement

« La décarbonisation des secteurs de l’énergie et des transports est sans doute aujourd’hui le principal moteur économique de l’industrie. »

Expérience professionnelle

Il a débuté sa carrière dans le génie civil en tant que chef de projet en France, en Martinique et en Australie. Par la suite, il devient directeur général d’une filiale au Venezuela. En 1992, il crée une filale pour Dalkia en Allemagne (chauffage urbain, cogénération et partenariats) et représente Véolia en Thaïlande. En 2000, il a ouvert le bureau commercial d’Endesa en France pour profiter de la libéralisation du marché de détail. A partir de 2006, en tant que responsable du développement chez Endesa France, il a dirigé le plan d’Endesa pour la production à cycle combiné gaz en France et a simultanément développé le portefeuille éolien et photovoltaïque de la Snet. Philippe Boulanger a ensuite travaillé pendant 3 ans au siège d’E.ON pour coordonner les activités de l’entreprise en France. Il a été fortement impliqué dans le projet français de renouvellement de la concession hydroélectrique. En tant que Senior Vice President – Project Director chez Solvay Energy Services d’avril 2012 à février 2014, il était en charge des projets de déploiement H2/Power to gas et d’accès direct au marché européen. Philippe est un expert pour HES depuis 2014.

Formation

Philippe Boulanger est ingénieur diplômé de l’Ecole Polytechnique et de l’Ecole Nationale des Ponts & Chaussées (France) et possède une expérience combinée de plus de 25 ans en énergie et infrastructures. En plus de l’anglais, M. Boulanger parle couramment le français, l’allemand et l’espagnol.

Philippe Boulanger

Electricity Expert

HES-Philippe-Boulanger

« Le monde est en train de changer. De nouveaux investisseurs accordent une attention particulière au secteur de l’énergie alors que les acteurs historiques adaptent leur position sur le marché. »

Expérience professionnelle

Antonio a commencé sa carrière dans le secteur de l’électricité en 1991 en tant que membre de l’équipe du directeur général de Sevillana de Electricidad (Espagne). En 1997, il a été nommé responsable de la réglementation commerciale chez Endesa Distribución. En 2000, il rejoint le département des fusions et acquisitions d’Endesa Europe. En 2003, il est nommé directeur général d’Endesa Power Trading Ltd (UK). Un an plus tard, il devient responsable de la gestion de l’énergie à la SNET (France). En 2008, il est nommé directeur général de la SNET (France). En 2009, il devient directeur du développement de l’entreprise chez E.ON France. En 2011, il fonde Haya Energy Solutions (HES), un cabinet de conseil axé sur l’optimisation de la gestion énergétique des consommateurs, des producteurs et des fournisseurs de gaz et d’électricité. De 2015 à 2018, Antonio a combiné son activité de conseil chez HES avec la direction générale de 2 sites de production en France (2 CCGT x 410MW), détenus par KKR. Fin 2018, il a rejoint Asterion Industrial Partners, un fonds d’investissement dans les infrastructures, en tant que partenaire opérationnel. Antonio consacre, actuellement, l’essentiel de son temps au portefeuille d’Asterion, tout en conseillant, par l’intermédiaire de HES, des entreprises du secteur de l’énergie en France, en Italie, en Allemagne, au Royaume-Uni et en Espagne. 

Formation

Antonio est diplômé de l’Ecole Supérieure d’Ingénieurs de Séville (Espagne) et est titulaire d’un MBA de Deusto (Espagne). 

Antonio Haya

CEO

Antonio Haya