Hydrogène Bleu Blanc Rouge !

Il y a un an, nous saluions la mise en place tardive des actes délégués de la Commission Européenne définissant les critères pour l’hydrogène renouvelable et ses dérivés, produits en Europe ou importée. L’Europe avait donc enfin une définition de son hydrogène renouvelable. Mais qu’en était-il de la France ? (Voir newsletter : Hydrogène Vert Europe (lien))

En France, légalement et depuis l’ordonnance hydrogène du 17 février 2021 (prévue dans la loi énergie cuvée 2019), l’article L.811-1 donnait les définitions de l’hydrogène renouvelable, de l’hydrogène bas-carbone et de l’hydrogène carboné (c’est-à-dire, ni l’un ni l’autre).

Mais « la définition de l’ensemble des conditions, en particulier des seuils et procédés, nécessaires à l’application du présent article [devait encore être] précisée par arrêté du ministre chargé de l’énergie ».

Avec la publication de l’ « Arrêté du 1er juillet 2024 précisant le seuil d’émissions de gaz à effet de serre et la méthodologie pour qualifier l’hydrogène comme renouvelable ou bas-carbone » serait-ce chose faite ?

Pour ce qui est du seuil d’émissions de CO2, l’Arrêté définie un niveau de 3.38kgCO2/Kg H2 soit 101,52gCO2/MWh (PCI)H2 soit 28,20gCO2/MJ. Ici, la France a fait le choix d’imposer le seuil de durabilité exigé pour les carburants liquides et gazeux renouvelables destinés au secteur des transports, d’origine non biologique, selon l’article 25 de la RED 2 soit 30% du référentiel fossile : 94gCO2/MJ.

Ce choix peut se discuter alors que les applications de l’hydrogène ne semblent pas s’orienter prioritairement vers le secteur des transports. De fait, ce seuil correspond à ~50% des émissions du gaz naturel (référentiel fossile des usages énergie et/ou d’agent réducteur pour l’acier). « Tout ça pour ça !», diront peut-être certains, mais c’est déjà ça !

En plus, dans l’annexe de cet arrêté, la France propose une méthodologie pour l’hydrogène bas carbone en absence de méthodologie européenne. Cette méthodologie (inspirée de la RED 2 et de ses actes délégués) propose différentes options dont principalement la possibilité d’utiliser le mix du réseau métropolitain français.

Le mix France métropolitaine pour 2021, selon RTE, est de 57gCO2/KWh ainsi pour avoir du bas carbone avec le mix français, il faut consommer un maximum de 59 MWh d’électricité pour produire une tonne de H2 [par électrolyse] donc cela reste très limite (mais le mix français est appelé à se bonifier dans le temps).

Nous notons qu’en France (et nulle part ailleurs), il n’y a pas de mécanisme particulier valorisant l’hydrogène bas carbone.

Pour ce qui concerne le renouvelable et la détermination de ce seuil, cet arrêté renvoie à l’acte délégué RED 2 (qui à la date de leur publication n’était censé concerner que les usages pour le transport) RÈGLEMENT DÉLÉGUÉ (UE) 2023/1185 DE LA COMMISSION du 10 février 2023[1]

En revanche, cet arrêté ne précise pas comment (par quel « procédé ») l’électricité, livrée par le réseau, peut être considérée comme renouvelable. Car depuis le 19 novembre 2023 (date de l’abrogation de la version antérieure), nous ne pouvons plus nous référer à l’article R314-66 du code de l’énergie qui prescrivait l’usage des Garanties d’Origine (GO) du mois de production.

Mais puisque la méthodologie décrite dans cet acte délégué fait référence à l’électricité pouvant être considérée comme entièrement renouvelable conformément à l’article 27, paragraphe 3, du RÈGLEMENT DÉLÉGUÉ (UE) 2023/1184 DE LA COMMISSION du 10 février 2023 complétant la directive (UE) 2018/2001[2]. Dont l’objet est d’établir « les règles détaillées permettant de déterminer à quelles conditions l’électricité utilisée pour la production de carburants liquides et gazeux renouvelables destinés au secteur des transports, d’origine non biologique, peut être considérée comme entièrement renouvelable. »

Nous comprenons que nous devons nous référer à ces règles dont le but principal était de permettre la production d’hydrogène renouvelable dans des pays ayant une part carbonée élevée dans leur mix électrique.

Pour la France (facteur d’émission inférieur à 18gCO2/MJ soit 65gCO2/KWh) il est donc possible de ramener le contenu carbone de l’hydrogène produit à 0 si l’électricité fournie est renouvelable (sans pour autant être obligatoirement additionnelle).

Dans ces actes, les conditions pour justifier le caractère renouvelable de l’électricité n’est pas très clair sauf qu’il sera nécessaire de fournir des GO du mois de production mais aussi (selon Q&R mise en œuvre des actes délégués relatifs à l’hydrogène publié le 14/3/24) : « it is important that a direct relationship between the electricity producer and the hydrogen producer is maintained », « il est important de maintenir une relation directe entre le producteur d’électricité et le producteur d’hydrogène » (en France, pour les ENR avec soutien de l’Etat, il n’est généralement pas possible d’avoir les GOs et la relation directe avec le producteur).

Quoi qu’il en soit, étant donné qu’en France, à chaque heure de l’année, beaucoup d’électricité renouvelable est produite (hydroélectricité, vent, soleil, biogaz), l’hydrogène produit par électrolyse de l’eau en utilisant le même « électron » peut être considéré comme renouvelable et/ou bas carbone. Ainsi, pour éviter tout doute, il aurait été beaucoup plus clair de conserver la disposition de l’article R314-66 du Code de l’énergie français dans sa version antérieure au 13 novembre 2023.

Ce flou et ces incertitudes sur la qualification de l’hydrogène permet donc bien de temporiser sur le déploiement (et le soutien financier) massif de l’hydrogène en France par électrolyse. Et à RTE, de souligner un nouvel équilibre dans le bilan du fonctionnement du système électrique français : une baisse de la consommation, l’augmentation de la production décarbonée/renouvelable et un record des exportations.

Philippe Boulanger


[1] RÈGLEMENT DÉLÉGUÉ (UE) 2023/1185 DE LA COMMISSION du 10 février 2023 complétant la directive (UE) 2018/2001 du Parlement européen et du Conseil en établissant un seuil minimal de réduction des émissions de gaz à effet de serre pour les carburants à base de carbone recyclé et en précisant la méthode d’évaluation des réductions des émissions de gaz à effet de serre réalisées grâce aux carburants liquides et gazeux renouvelables destinés aux transports, d’origine non biologique, et aux carburants à base de carbone recyclé.

[2] RÈGLEMENT DÉLÉGUÉ (UE) 2023/1184 DE LA COMMISSION du 10 février 2023 complétant la directive (UE) 2018/2001 du Parlement européen et du Conseil en établissant une méthodologie de l’Union définissant des règles détaillées pour la production de carburants liquides et gazeux renouvelables destinés au secteur des transports, d’origine non biologique.

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Philippe a ensuite travaillé pendant 3 ans au siège d’E.ON pour coordonner les activités de l’entreprise en France. Il a été fortement impliqué dans le projet français de renouvellement de la concession hydroélectrique. En tant que Senior Vice President – Project Director chez Solvay Energy Services d’avril 2012 à février 2014, il était en charge des projets de déploiement H2/Power to gas et d’accès direct au marché européen. Philippe est un expert pour HES depuis 2014.

Philippe est ingénieur diplômé de l’Ecole Polytechnique et de l’Ecole Nationale des Ponts & Chaussées (France) et possède une expérience combinée de plus de 25 ans en énergie et infrastructures. En plus de l’anglais, M. Boulanger parle couramment le français, l’allemand et l’espagnol.

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Avant cela, Antonio a été PDG de CELEST Power de KKR en France (2x410MW CCGT). Il a également été DG d’Endesa France et secrétaire général, directeur de la stratégie et du développement d’entreprise chez E.ON France. Auparavant, il a occupé différents postes chez Endesa, notamment celui de responsable des fusions et acquisitions et de spécialiste de la réglementation.

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