Irsching Irrsinn (La folie Irsching -Irsching madness)

Le jeudi 28 mai, UNIPER a annoncé remettre sur le marché à compter du 1er octobre 2020 les centrales Irsching 4 & 5 situées en Bavière. S’agissant des deux centrales à gaz les plus modernes (construites en 2010 et 2011) et les plus efficaces d’Allemagne avec des rendements de 60,4% pour Irsching 4 (561 MW) et de 59,7% (846 MW) pour Irsching 5, la question que pose cette annonce est bien : pourquoi donc ces centrales étaient-elles arrêtées ?

En fait cette anomalie, ce scandale puisque ces centrales sont dans un pays dont les émissions de CO2 du secteur électrique en 2019 dépassent 250 millions de tonnes, est aussi vieux que ces machines qui n’ont fonctionné qu’épisodiquement et sous divers mécanismes (réserve système le plus souvent) depuis leur mise en service il y a une dizaine d’années. Le dernier précédent, une annonce datant de septembre 2019, redemandait leur mise sous cocon à partir d’octobre 2020. Cette situation s’expliquait par des considérations économiques complexes liées au fonctionnement du marché (Clean Spark spread, clean dark spread, ETS, etc…) mais, au regard des ambitions et du budget annoncé dans le cadre du Green Deal européen, ces raisonnements sont-ils bien recevables et encore d’actualité ?

Examinons de plus près l’année 2019. Selon les données publiques du régulateur allemand (smard.de) les productions de Irsching 4 & 5 sont quasiment nulles (respectivement 7h et 33h équivalentes de fonctionnement :

Il est bien connu que le « switch » des centrales charbon vers les centrales au gaz est, avec le développement des énergies renouvelables, le levier le plus puissant pour la réduction des gaz à effet de serre. Les Etats Unis en sont la meilleure illustration.

Ainsi les centrales d’Irshing, rêvons, auraient été pourtant en mesure, pour l’année 2019, d’effacer de la production au charbon en Allemagne avec l’impact suivant :

Ces centrales auraient fonctionné environ 3260h (durée moyenne d’utilisation des centrales charbon allemandes en 2018) et auraient économisé près de 3 millions de tonnes de CO2. Certes ces 3Mt sont modestes au regard des 250Mt du secteur électrique allemand (~1%) mais représentent en fait, au regard des émissions du secteur électrique français, plus de 15%.

Tant qu’à faire, en étant plus ambitieux, ces centrales auraient tout aussi bien pu effacer de la production au lignite dont la durée moyenne d’utilisation est proche du double de celle du charbon (6490h en moyenne en 2018) et ainsi l’impact environnemental aurait été doublé (6Mt CO2) jusqu’à représenter plus de 10% de l’effort de réduction qui reste à faire en Allemagne pour atteindre son objectif 2020.

Mais bien sûr, dans un système économique où ni l’environnement ni les ressources ne sont pris en compte, ces modes de production auraient entrainé des surcoûts et, puisqu’il s’agit de matières premières importées auraient aussi eu des impacts sur la balance du commerce extérieur allemand.

Dans le cas d’un fonctionnement en substitution du charbon (3260h), le surcoût (sur la base de la moyenne des prix futurs 2019 en 2018) aurait été de l’ordre de 52M€ – à mettre en regard d’un excédent commercial de 255 Mrds $ (0,02%). Dans le cas d’une substitution au lignite, le surcoût doublerait mais c’est l’intégralité du coût du gaz qui impacterait la balance du commerce extérieur, soit 350M€ sur les 250 Mrds (1,4%). Cet impact est-il raisonnable ? Est-il supportable ? Au regard de la situation au Royaume Uni (balance commerciale déficitaire de 223 Mrds $) ou de la France (déficit commercial de 81 Mrds $), il nous semble que oui.

Ramenons ces calculs au coût de la tonne de CO2 évitée, puisque cet élément est censé être pris en compte dans le Système d’échange de quotas d’émission de l’UE (SEQE-EU ou Emission Trading System ETS en anglais) qui semble donc bien, encore une fois, avoir montré son inefficacité en l’occurrence.

Toujours sur la base des coûts moyens des prix de gaz et du charbon pour l’année de livraison 2019 constatés en 2018, ce surcoût moyen est de l’ordre de 17-18€ par tonne de CO2 (alors que, justement, la moyenne des prix des EUA en 2018 est de 15€ !).

Malgré la compétitivité de cette voie de réduction des émissions, une nouvelle tranche de 300 MW sera construite sur le même site (Irsching 6) pour 2022… et uniquement dédiée au gestionnaire de réseau (TenneT) afin d’assurer la stabilité du système (donc sans empêcher les centrales à charbon d’émettre le million de tonnes de CO2 que Irsching 6 aurait pu être en mesure d’éviter annuellement)

Enfin, la crise du coronavirus remet tout dans l’ordre : le prix du gaz naturel s’effondre (celui du charbon aussi d’ailleurs), le prix des EUA se maintient curieusement bien proche de ses plus hauts niveaux, Irsching va reprendre du service et même, contre toute attente (cf. notre article de juillet 2018[1]), l’Allemagne est en passe de réussir son ambitieux objectif de réduction de gaz à effet de serre pour 2020 (réduction de 40% par rapport à 1990)…

… Là aussi, à la fin, c’est l’Allemagne qui gagne !

Philippe Boulanger

[1] https://hayaenergy.com/fr/pendant-ce-temps-en-allemagne/

 

 

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Expérience professionnelle

Céline, jeune active dynamique, a fait ses premiers pas dans le monde du travail dans le domaine du tourisme en tant que community manager au Loups du Gévaudan, en Lozère. En rejoignant l’équipe HES en novembre 2021, elle a souhaité diversifier ses connaissances : se former dans le secteur énergétique, se spécialiser dans les stratégies marketing afin de développer les relations clients de l’entreprise ; tout en approfondissant ses compétences en coordination et gestion de projets.

Formation

Céline est diplômée d’une double licence Espagnole – Anglais en Langue, Littérature et Civilisation Etrangère à la Sorbonne IV (2018). Elle a aussi obtenu un Master II en Direction de Projets ou Etablissements Culturel, spécialité Tourisme International. Elle a également étudié à l’étranger, à University of London (Angleterre) et Universidad de Morón (Argentine).

Céline Haya Sauvage

Responsable Marketing

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Conseil en investissement

« La décarbonisation des secteurs de l’énergie et des transports est sans doute aujourd’hui le principal moteur économique de l’industrie. »

Expérience professionnelle

Il a débuté sa carrière dans le génie civil en tant que chef de projet en France, en Martinique et en Australie. Par la suite, il devient directeur général d’une filiale au Venezuela. En 1992, il crée une filale pour Dalkia en Allemagne (chauffage urbain, cogénération et partenariats) et représente Véolia en Thaïlande. En 2000, il a ouvert le bureau commercial d’Endesa en France pour profiter de la libéralisation du marché de détail. A partir de 2006, en tant que responsable du développement chez Endesa France, il a dirigé le plan d’Endesa pour la production à cycle combiné gaz en France et a simultanément développé le portefeuille éolien et photovoltaïque de la Snet. Philippe Boulanger a ensuite travaillé pendant 3 ans au siège d’E.ON pour coordonner les activités de l’entreprise en France. Il a été fortement impliqué dans le projet français de renouvellement de la concession hydroélectrique. En tant que Senior Vice President – Project Director chez Solvay Energy Services d’avril 2012 à février 2014, il était en charge des projets de déploiement H2/Power to gas et d’accès direct au marché européen. Philippe est un expert pour HES depuis 2014.

Formation

Philippe Boulanger est ingénieur diplômé de l’Ecole Polytechnique et de l’Ecole Nationale des Ponts & Chaussées (France) et possède une expérience combinée de plus de 25 ans en énergie et infrastructures. En plus de l’anglais, M. Boulanger parle couramment le français, l’allemand et l’espagnol.

Philippe Boulanger

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« Le monde est en train de changer. De nouveaux investisseurs accordent une attention particulière au secteur de l’énergie alors que les acteurs historiques adaptent leur position sur le marché. »

Expérience professionnelle

Antonio a commencé sa carrière dans le secteur de l’électricité en 1991 en tant que membre de l’équipe du directeur général de Sevillana de Electricidad (Espagne). En 1997, il était responsable de la réglementation commerciale chez Endesa Distribution. En 2000, il rejoint le département M&A européen d’Endesa. Il a été nommé CEO d’Endesa Power Trading Ltd en 2003. En 2004, il devient Directeur de la gestion de l’énergie de la SNET (France) et en 2008, il est nommé Directeur Général de cette société. En 2009, il a occupé le poste de Directeur du Développement Entreprise d’E.ON France. En 2011, il a fondé Haya Energy Solutions (HES), une société de conseil qui aide les entreprises à optimiser leur chaîne de valeur : de la définition de la stratégie aux opérations quotidiennes, en s’appuyant sur une solide expérience et une bonne compréhension de l’industrie de l’énergie. De 2015 à 2018, Antonio a été Président de Celest qui opère 2 CCGT françaises (420MW chacune), détenues par KKR. Fin 2018, il rejoint Asterion Industrial Partners, un fonds d’investissement dédié aux infrastructures, en tant que partenaire opérationnel.

Formation

Ingénieur industriel de l’Ecole Supérieure d’Ingénieurs de Séville (Espagne) et titulaire d’un MBA de Deusto (Espagne).

Antonio Haya

PDG