Une fois de plus, nous sommes aux portes de l’hiver et les acteurs et consommateurs commencent à s’interroger sur l’approvisionnement énergétique en Europe.
Cette année, contrairement à l’année dernière, il ne semble pas y avoir d’inquiétude majeure ; les prix restent élevés, mais non historiquement élevés. Cependant, bien qu’il n’y ait pas de signal d’alarme pour cet hiver, il existe un équilibre fragile entre l’offre et la demande qui peut à tout moment se briser et provoquer une flambée des prix de l’électricité.
Notamment, l’une des principales sources d’approvisionnement en Europe est la production nucléaire française. À l’heure actuelle[1], EDF prévoit qu’environ 52,8 GW d’énergie nucléaire seront disponibles en France pendant les mois les plus froids de la saison hivernale[2]. Compte tenu de l’optimisme connu d’EDF, on peut se demande : à quel point n’y a-t-il pas de risque d’approvisionnement ?
Dans cet article, nous tentons de répondre à cette question.
Situation énergétique en Europe
Analysons tout d’abord la situation énergétique européenne : d’une part, les réserves de gaz sont à leur plus haut niveau pour cette période de l’année depuis 5 ans et cela malgré la demande asiatique croissante de GNL, l’approvisionnement semble assuré pour cet hiver. D’autre part, les réserves hydrauliques en Europe sont également à des niveaux plus élevés que l’année dernière. De plus, la disponibilité prévue du parc nucléaire français, essentielle pour la stabilité de l’approvisionnement d’électricité en Europe occidentale, est proche des niveaux les plus élevés de ces dernières années.
En revanche, si l’approvisionnement semble assuré pour les prévisions actuelles, le risque de hausse des prix demeure en cas d’augmentation de la demande, en raison d’un hiver plus froid que la normale ou d’une reprise de l’activité industrielle. Si l’on fait abstraction des conflits internationaux qui pourraient à nouveau bouleverser toutes les prévisions, la sécurité énergétique européenne repose cet hiver sur un équilibre subtil et il est probable qu’il y ait des moments de forte volatilité des prix.
Disponibilité du parc nucléaire en France
En ce qui concerne le parc nucléaire français, la prévision de disponibilité nucléaire n’avait jamais été aussi élevée depuis 2019 ; près de 86 % du parc nucléaire devrait être disponible (52,8 GW) durant les mois les plus froids de l’hiver. Ce chiffre représente près de 12 % de la capacité totale installée en Europe occidentale – à de nombreuses reprises, les analystes oublient le poids qu’il a sur le marché européen. Cependant, comme nous l’avons analysé lors de publications précédentes [voir Newsletter : L’énergie nucléaire en France : un défi en perspective], les prévisions d’EDF sont généralement pour le moins optimistes.
Le logiciel Tracker Nucléaire, développé par les experts de Haya Energy Solutions, permet de suivre la disponibilité du parc nucléaire français, ceci est d’intérêt pour prévoir et comprendre les réactions du marché – disponible sur notre page web: tracker-nucléaire. Grâce à cet outil, nous pouvons analyser les prévisions historiques et constater que les prévisions pour les mois les plus froids du début de la saison hivernale (1er novembre) étaient en moyenne 14 % plus élevées que la réalité, soit un écart moyen de -7,6 GW.
Ces différences s’expliquent par deux raisons principales :
- Retards dans la mise en service des installations après les périodes de maintenance : multiples incidents liés à de nouveaux problèmes rencontrés lors des travaux.
- Indisponibilités forcées qui ne peuvent être anticipées et qui, statistiquement, ont un impact mineur.
Comme le montre le graphique ci-dessous, généré par le logiciel Tracker Nucléaire, EDF s’attend à ce que jusqu’à 15 GW soient remis en service au cours de l’hiver prochain, ce qui représente un risque important en cas de retards ou de problèmes :
Si la tendance observée dans le passé se maintient, c’est-à-dire des prévisions supérieures à la moyenne, la disponibilité actuelle de 52,8 GW tomberait à 45,4 GW. Cette réduction de aurait un impact négatif sur l’équilibre fragile décrit dans les paragraphes précédents, générant sans aucun doute une forte volatilité des prix face à une augmentation de la demande d’énergie.
Dans tous les cas, nous recommandons aux acteurs du secteur de suivre de près l’évolution des prévisions d’EDF pour le parc nucléaire français car nous prévoyons des ajustements à la baisse dans les semaines à venir. Grâce à notre outil Tracker Nucléaire – disponible sur notre page web: tracker-nucléaire – vous pouvez suivre l’évolution hebdomadaire du parc nucléaire pour avoir une vision simple mais précise des mises à jour des prévisions de disponibilité d’EDF.
Manuel Domínguez León
[1] Prévisions au 1er novembre 2023
[2] Décembre, janvier et février.