Depuis mars, les prix mondiaux du pétrole et du gaz se sont envolés, respectivement de l’ordre de 25% pour le pétrole et de quasiment de 50% pour le gaz en Europe. Les causes sont avant tout géopolitiques, avec plusieurs « flashpoints » : Iran, Venezuela, Chine… et un seul détonateur : les Etats-Unis, sous la conduite de Donald Trump.
Les prix du gaz naturel en Europe ont suivi ceux du pétrole, majorés en particulier d’une « prime à la propreté » du gaz, reflétant la récente remontée du prix du CO2.
Même si les tensions avec la Corée du Nord se sont momentanément apaisées (mais sans progrès notables quant à l’élimination de la menace nucléaire de la Corée du Nord…), la tactique employée par les Etats-Unis de Donald Trump est toujours la même : retrait des accords signés, menaces de nouvelles sanctions unilatérales (ou de nouveaux droits de douane), quelques semblants de négociation, mais avant tout la recherche d’une position de force pour faire céder l’adversaire, quand bien même il s’agit d’alliés tels que l’Europe ou le Canada… Le tout pour satisfaire une base électorale extrémiste, mais se rétrécissant, avant les élections de mi-mandat en novembre.
Où va-t-on ?
Petit rappel des évènements…
Début mai : Donald Trump annonce le retrait des Etats Unis – anticipé depuis plusieurs mois – de l’accord sur le nucléaire Iranien, obtenu en 2015 avec la France, la Grande-Bretagne et l’Allemagne, ainsi que la Russie et la Chine. Même si tous ces pays ont annoncé leur volonté de continuer à respecter l’accord – les Iraniens ayant dans les faits arrêté leurs activités nucléaires militaires, les conséquences sur les prix du pétrole ont été immédiates : nombre de sociétés, à l’exemple de Total, se sont retirées de leurs projets pétroliers ou gaziers en Iran, la perspective de sanctions américaines sur leurs intérêts aux Etats-Unis étant rédhibitoire. Cela a ouvert les portes de l’Iran à de nouveaux acteurs, à commencer par la Chine… Si la motivation annoncée par Donald Trump était d’inclure un volet sur les missiles balistiques dans un nouvel accord avec l’Iran, le but premier semble être de faire tomber la République islamique, dont les dirigeants ont réagi en menaçant de fermer le détroit d’Ormuz. Pas étonnant que les prix du pétrole se soient envolés !
Mi-juin : sommet Trump-Kim Jong-un à Singapour. Un non-événement, sans retombée réelle sur la dénucléarisation de la péninsule coréenne, mais une victoire éclatante pour Kim Jong-un, traité d’égal à égal par les Etats-Unis ! Donald Trump semble être plus à l’aise en la compagnie de tyrans que de leaders démocratiquement élus… mais depuis, aucun progrès n’a été enregistré, ce qui laisse 2 dangereux chantiers sur la prolifération du nucléaire (Iran et Corée) complètement ouverts.
Début août : tentative d’attentat contre N. Maduro, juste ré-élu président du Venezuela en mai lors de présidentielles anticipées, à un seul tour… Dans les faits, le successeur d’Hugo Chavez a consolidé son emprise sur un pays exsangue, aux prises avec une crise économique sans précédent. La production de pétrole y est en chute libre, en partie à cause du blocus économique imposé par les Etats-Unis. L’Opep et la Russie, sans avoir à réimposer de quotas trop contraignants, ont pu ainsi profiter de la raréfaction de l’offre globale de pétrole, et aider les prix du pétrole à continuer sur leur lancée.
Mi-septembre : décision d’imposer des droits de douanes additionnels de 10% sur 200 milliards de dollars d’importations des Etats-Unis depuis la Chine. Les nouveaux tarifs toucheraient des produits de consommation courante (réfrigérateurs, meubles, télévision, jouets, produits électroniques…). Les Etats-Unis importent pour pratiquement 500 milliards de dollars chaque année depuis la Chine, et avec les tarifs douaniers déjà en place, c’est la moitié des importations chinoises qui sera touchée ! Et les nouveaux droits de douanes pourraient passer à 25% d’ici la fin de l’année, enfonçant les Etats-Unis dans une approche de plus en plus protectionniste – du moins à court terme, car les consommateurs américains vont ressortir grands perdants à terme de cette politique : le prix des voitures aux Etats-Unis devrait par exemple augmenter de près de 10%, rien qu’à cause des droits de douane sur l’acier et l’aluminium.
La Chine semble prête à des mesures de rétorsion « dures », qui cette-fois ci incluraient les exportations de produits pétroliers raffinés et de GNL américains vers la Chine, en plus des produits agricoles.
Perspectives
Même si la Chambre des représentants pourrait basculer à l’occasion des élections de novembre, le Sénat devrait rester Républicain. Et même si Donald Trump devait être forcé à démissionner, suite à l’accumulation de scandales autour de lui, son remplacement par le Vice-président Mike Pence ne devrait pas changer l’attitude politique extrémiste des Républicains au pouvoir pour 2 années de plus.
Mais plusieurs facteurs pourraient jouer en faveur d’une accalmie sur les prix de l’énergie :
- Comme mentionné plus haut, la Chine semble être prête à bloquer le GNL américain, reportant sa demande vers le Qatar, l’Australie, la Papouasie et même la Russie. Les –Etats-Unis perdraient l’un de leurs clients de GNL les plus importants – une aubaine potentielle pour l’Europe, qui pourrait bénéficier d’une bulle de GNL américain dont les prix sur le marché intérieur souffriraient.
- Les Etats-Unis viennent juste de surpasser la Russie et l’Arabie Saoudite, en devenant le premier producteur de pétrole au monde, grâce à la révolution du pétrole (et du gaz) de schiste… et la croissance de la production américaine est prévue poursuivre sur sa lancée pour plusieurs années. Le résultat sera sans coup férir une rechute du prix du pétrole.
Les producteurs de gaz et de pétrole aux USA semblent être parmi les premières victimes à venir de la politique de Donald Trump… mais cela serait une très bonne nouvelle pour les prix de l’énergie, en particulier en Europe !
Philippe Lamboley