Le prix de la capacité : des inconnues et des équations

Le marché de capacité à la française, c’est une genèse compliquée : la loi NOME en 2010, un décret en 2012, deux arrêtés en 2015 et en 2016. Le marché de capacité à la française, c’est un corpus de règles lourd de 2019 pages (disponible uniquement en langue française car probablement difficilement traduisible dans une autre langue). Le marché de capacité à la française, c’est aussi le changement : un nouveau décret, un nouvel arrêté et donc une nouvelle édition augmentée des règles sont attendues pour 2018.

Par contre une clarté semblait bien se dégager de ce maquis réglementaire : le prix de la capacité !

L’enchère unique de capacité en 2016 se trouvait encadrée par des paramètres limités et simples :

  • Volume minimum mis en vente : 25% des capacités certifiées de EDF
  • Un prix maximum :  fixé à 20.000€/MW
  • Et donc un résultat de l’enchère qui fixe le prix de référence de marché : à 10.000€/MW

Une équation lisible et somme toute logique semblait se dégager :

PrmAL=PadmAL/2

En 2017, cette algèbre ne tarda pas à se compliquer…

Nous ne nous attarderons pas sur l’enchère du 27 avril 2017 pour l’année de livraison 2017 qui, avec seulement 500 MW échangés, a eu le mérite de confirmer le prix de l’enchère du 15 décembre 2016.

Année de livraison 2018 : les choses se compliquent avec 2 enchères le 9 novembre et le 14 décembre. Stupéfaction ! Non seulement la valeur de la capacité n’atteint pas 15.000€/MW , mais le prix est même en (légère) baisse ! Heureusement une cohérence se dégage de ces enchères qui semblent être le copier/coller l’une de l’autre à la fois en prix (~9350€/MW) et en volume (~11GW chacune, soit au total l’ordre de grandeur des volumes échangés en 2016).

Cette cohérence nous pousse donc naturellement à reprendre nos calculs de régressions linéaires qui donnent (sans entrer dans les détails ni dans la sophistication de nos calculs) :

PrmAL=CoûtCapaNucléaireAL

Année de livraison 2019 : la situation se complique encore plus sérieusement.

  • Nous ne disposions pas encore des résultats de la deuxième enchère AL2018 avec sa belle cohérence avant l’enchère AL2019 (enchères simultanées programmées le 14 décembre)
  • Pour l’unique enchère en 2017, le volume minimum mis en vente doit être :
  • 4 autres enchères prévues en 2018 pour AL2019, dont les 3 premières sans aucune prescription en volume à la vente (et toujours aucune à l’achat)
  • Une compétitivité incertaine de l’Arenh (Avec un prix de marché aux alentours de 41€/MWh, l’Arenh serait compétitif sur l’année, très compétitif sur le premier semestre mais peut-être pas sur le second) qui rend tout aussi incertains les équilibres offre –demande en capacité des principaux acteurs

Les résultats, quelque peu déconcertants, de cette enchère traduisent bien la complexité de ses données :

  • Une offre généreuse : plus de 40GW
  • Une demande plus que timide : moins de 1GW à tout prix (40.000€/MW), traduisant une certaine désaffection de la part des acteurs obligés. Ceci pourrait devenir un sujet d’inquiétude pour le bon fonctionnement du mécanisme
  • Des volumes échangés très faibles : 220,20MW
  • Un prix de capacité sensiblement en hausse (12.999,80€/MW) mais pas tout à fait à hauteur du niveau de prix offert pour la capacité nucléaire (que nous soupçonnons fortement d’être aux alentours de 15.185€MW)

Au-delà de quelques inquiétudes quant au bon fonctionnement du marché (désaffection certaine au niveau de l’offre), force est donc de reconnaitre que le nombre de paramètres et d’inconnues autour du marché de capacité dépasse notre ambition de trouver la martingale qui régit ce marché. Une constante se dégage néanmoins : le secteur électrique français reste bien dominé par la génération nucléaire et le restera au moins jusqu’à l’horizon 2030-2035 avec une part supérieure à 50%. Il est donc logique que le coût de cette production se reflète bien dans le prix et l’électricité, prix qui, lui-même, se compose bien d’une composante énergie ET d’une composante capacité.

Philippe Boulanger