Mécanisme de capacité

Le mécanisme de capacité a déjà une longue histoire en France. Son principe remonte à la loi NOME (Nouvelle Organisation Du Marché de L’Electricité) : loi n° 2010-1488 du 7 décembre 2010.

Ce mécanisme repose sur le principe que « chaque fournisseur d’électricité contribue, en fonction des caractéristiques de consommation de ses clients, en puissance et en énergie, sur le territoire métropolitain continental, à la sécurité d’approvisionnement ». Force est de constater le caractère visionnaire de cette loi qui pointait déjà les limites d’une organisation de marché dite « Energy Only » alors que les prix sur les places de marché était encore proche de leurs sommets historiques (C’est seulement cet été 2016 que la Commission Européenne a lancé sa réflexion sur une nouvelle organisation de ces marchés et que le gouvernement allemand a publié son livre blanc sur le même sujet).

Deux ans plus tard, presque jour pour jour, les principes de ce mécanisme/marché sont fixés par le décret n° 2012-1405 du 14 décembre 2012:

  • Le profil de consommation des clients d’un fournisseur définit le niveau d’obligation en capacité du fournisseur (obligation en Garanties de Capacité)
  • Les Garanties de Capacités sont créées par les producteurs (et opérateur d’effacement) en faisant certifier leurs capacités
  • Le RTE est le garant et le contrôleur du mécanisme.

Encore deux ans plus tard, le 22 janvier 2015 paraît l’arrêté qui approuve les règles détaillées de ce marché. Les 171 pages de ces règles traduisent la complexité certaine du dispositif.

La modification la plus marquante par rapport aux règles provisoires connues précédemment a été de fixer règlementairement un maximum de 40.000€/MW/an au prix maximum (devant être fixé par la Commission de Régulation de l’Energie (CRE)) applicable comme pénalité pour défaut de capacité). Ainsi un « cap » est fixé à la rémunération de capacité à un niveau qui ne permet pas de financer de nouvelles installations et par là même limite, dès son origine, les ambitions de ce mécanisme.

La CRE a rapidement complété (6/5/2015) ces règles par les paramètres qui restaient de son ressort :

  • Le cap de 40.000€/MW est confirmé pour 2017 (même s’il ne semble plus assuré pour les consommateurs à partir de 2018)
  • La relation entre prix de marché / prix des garanties / prix Arenh est explicitée (1MW Arenh : 1 MW Capacité)
  • Le Prix de Référence (qui traduira pour les consommateurs le coût de la capacité répercuté par leur fournisseur) sera la moyenne arithmétique des prix constaté sur les marchés organisé avant l’année de livraison.

Ainsi les producteurs ont pu rapidement certifier leur capacité et à la fin 2015 les capacités certifiées s’élevaient à :

  • 2017 : 95.316 MW
  • 2018 : 91.684 MW
  • 2019 : 90.596 MW

Et EPEX Spot était prêt pour organiser ses premières enchères début 2016.

Dès l’automne 2015, tout est en place pour le démarrage prévu au 1/1/2017.

Actualité

Le 13/11/2015 : la Commission Européenne (DG Concurrence) fait savoir par communiqué de presse qu’elle lance une procédure approfondie sur le mécanisme de capacité français. Le même jour est adressée à Fabius la longue lettre (officiellement appelée « decision text ») avec notamment la précision suivante :

« La Commission rappelle aux autorités françaises l’effet suspensif de l’article 108, paragraphe 3, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne et se réfère à l’article 14 du règlement (CE) n° 659/1999 du Conseil qui prévoit que toute aide illégale pourrait faire l’objet d’une récupération auprès de son bénéficiaire ».

Dans le cadre de cette procédure et seulement le 5/2/2016 est publiée au JOUE (Journal Officiel de l’Union Européenne) le « decision text » ainsi que l’Invitation à toutes les parties prenantes de soumettre leur commentaire dans un délai d’un mois.

Le 8/12/2015, EPEX Spot a indiqué dans un communiqué laconique que les enchères de capacité prévues en début d’année sont reportées.

Par contre, aucune information ni commentaires sur un possible report du mécanisme de la part du Ministère, de la CRE ou du RTE.

(Dans la dernière consultation en cours lancée par la CRE le 22/2/2016 « Méthodologie de construction des tarifs réglementés de vente d’électricité en métropole continentale », la note d’accompagnement intègre bien la prise en compte de la capacité à partir du 1/1/2017).

Conclusion

Alors que fin mars 2016 les prix futurs de l’électricité en France se situent à moins de 26€/MWh pour 2017-2019, rendant la situation intenable pour les générateurs, la position de la Commission est difficilement compréhensible :

  • Ce mécanisme est soutenu par la grande majorité des acteurs actifs sur le marché français
  • De nombreux mécanismes sont en place dans d’autres pays de l’union (Capacité : Espagne, Italie, Royaume-Uni ; Réserve : Belgique, Allemagne)

Ce mécanisme est nécessaire pour la sécurité d’approvisionnement.

Nous espérons que, suite aux contributions envoyées par les parties prenantes dans le cadre de la procédure, la Commission permettra le démarrage du mécanisme.

Malheureusement, de l’avis général (non officiel) des parties prenantes, les générateurs ne percevront pas en 2017 la rémunération prévue par le mécanisme et de fortes perturbations sont à prévoir.

Philippe Boulanger