Sortie du charbon : L’Europe accélère-t-elle ?

Dans le cadre du processus de transition énergétique et conformément au « Green Deal » de l’UE – qui visent respectivement à réduire les émissions de CO2 en augmentant la part des énergies renouvelables (EnR) dans le bouquet énergétique et à améliorer l’efficacité énergétique – de nombreux gouvernements nationaux ont annoncé leur intention d’éliminer progressivement le charbon, le combustible fossile le plus polluant actuellement utilisé pour produire de l’électricité.

Cette décision a été confortée par le fait que les centrales électriques au charbon sont devenues de moins en moins rentables, en raison de l’augmentation spectaculaire des prix des émissions de carbone (EU ETS) au cours des derniers mois.

En outre, les institutions financières de l’UE, notamment la BCE, ont introduit un nombre considérable de politiques restrictives à l’égard du charbon, et de nombreuses banques commerciales ont annoncé leur intention de mettre fin au financement de nouveaux projets liés au charbon.

De toute évidence, il reste à voir comment l’UE va s’attaquer aux conséquences socio-économiques de la disparition du secteur de la production d’électricité à partir du charbon ; et une question, la plus large et probablement majeure : comment les différents pays de l’UE vont-ils garantir la sécurité de l’approvisionnement une fois le charbon totalement écarté ?

Au cours des cinq dernières années, l’Europe a vu plus de 50 % de ses centrales électriques au charbon fermer ou s’engager à le faire.

Voyons comment certains pays s’attaquent à ce problème :

Belgique : Premier pays membre de l’UE à éliminer progressivement le charbon (2016) en raison de l’incapacité des centrales électriques vieillissantes à respecter les réglementations européennes en matière de pollution. Actuellement, le pays s’appuie principalement sur la production d’énergie nucléaire, qui doit être progressivement abandonnée d’ici 2025, ainsi que sur certaines EnR (notamment l’énergie éolienne). Il est prévu d’augmenter encore la capacité des EnR et de construire 2 ou 3 CCGTs. Un mécanisme de capacité a été approuvé par le gouvernement, mais reste soumis à l’approbation de la Commission Européenne.

France : Sortie progressive d’ici 2022. Pas assez ambitieux car moins de 2% de l’électricité du pays est produite à partir du charbon. Une norme de performance en matière d’émissions de 550gCO2/MWh empêchera l’usage du charbon à partir de janvier 2022. Après la fermeture de l’unité du Havre, seule la centrale au charbon de Cordemais demeure en opération (en raison de problèmes de congestion locale en Bretagne) et pourrait être convertie à la biomasse d’ici à 2024. La capacité de charbon supprimée sera notamment remplacée par l’éolien terrestre et le photovoltaïque.

Allemagne : La sortie progressive du charbon a été décidée pour 2038 (potentiellement 2035) mais n’est pas assez ambitieuse. C’est le seul pays de l’UE qui ne respecte pas l’objectif de 2030 fixé par la Commission. Le gouvernement a accepté d’indemniser les exploitants de lignite à hauteur de 4,35 milliards d’euros pour la fermeture de leur entreprise. Cette compensation doit encore être approuvée par la Commission européenne au titre des aides d’État. Par ailleurs, la législation relative à cette sortie progressive du charbon est assez complexe, puisqu’elle comprend des contrats de sortie progressive du lignite, des enchères pour la fermeture de la houille, des plans de transition régionaux, etc. L’usage du gaz naturel devra couvrir l’intermittence des EnR.

Grèce : Fermeture progressive d’ici 2028. PPC, l’opérateur public de toutes les centrales électriques au charbon, a annoncé la fin de l’exploitation de toutes ses centrales au lignite existantes d’ici à 2023, à la seule exception de la centrale Ptolemaida V – toujours en construction – dont l’exploitation devrait cesser en 2028. L’objectif est de remplacer le charbon par des centrales électriques au gaz comme mesure transitoire – et probablement sous réserve de la mise en place d’un mécanisme de capacité – jusqu’à atteindre 100% de la capacité couverte par des EnR (à noter que la géographie du pays offre un énorme potentiel pour le déploiement d’actifs solaires et éoliens).

Italie : Sortie progressive d’ici 2025. Pas encore écrit dans la loi mais décrit comme un « objectif » dans le cadre de son plan national pour l’énergie et le climat (PNEC). La sortie progressive dépendra fortement du développement des EnR (30 GW d’énergie solaire d’ici 2030), d’un stockage adéquat et d’une capacité thermique à gaz transitoire. L’objectif est de remplacer la plupart des capacités de production au charbon par du gaz. Le gouvernement a déjà annoncé une deuxième session d’enchères de capacité.

Pologne : L’abandon progressif n’a pas encore été décidé. Pays le plus polluant de l’UE, avec l’Allemagne. Malgré les 14 milliards d’euros que le gouvernement s’apprête à verser aux industriels du charbon au titre des paiements de capacité, et afin de garantir l’approvisionnement, le pays continue de mettre en service de nouvelles centrales au charbon plutôt que de nouvelles centrales au gaz, ce qui lui permet de ne pas dépendre du gaz russe. La scission prévue des actifs houillers et de la société minière publique PGG, qui devraient fonctionner jusqu’en 2049 grâce à des aides d’État. La CE doit déterminer si cette mesure est conforme aux règles de l’UE en matière d’aides d’État et de concurrence pour les subventions aux industries en déclin.

Espagne : La suppression progressive du charbon est en cours de discussion (les tendances de production indiquent le milieu des années 2020). 5,1 GW sur 9,9 GW ont cessé leurs activités en 2020 en raison des normes européennes plus strictes en matière de pollution atmosphérique. Grâce à un accord de « transition juste » conclu entre le gouvernement et les régions concernées, les entités d’extraction de charbon ont cessé leurs activités. D’importants investissements dans les EnR ont été réalisés, notamment dans le solaire et l’éolien. La capacité installée des centrales à cycle combiné (CCGT) est importante et peut être utilisée en cas de tension du système électrique. Un mécanisme de capacité potentiel est en cours de discussion.

Royaume-uni : Sortie progressive d’ici 2024. Premier pays au monde à annoncer une politique de sortie progressive du charbon (2015), profitant du fait que certaines de ses centrales au charbon arrivaient en fin de vie. Taxe carbone d’environ 6 €/MWh introduite en 2013 et portée à environ 20 €/MWh en 2018. Après le Brexit, un ETS britannique est mis en place (ressemblant beaucoup au SCEQE européen), et le coût total du carbone qui en résulte accélérera certainement la fermeture des centrales à charbon restantes. D’importants investissements ont déjà été réalisés dans le déploiement des EnR. L’intermittence des EnR sera traitée par l’effacement, l’augmentation de la capacité de stockage des batteries et les nouvelles centrales nucléaires déjà prévues, certaines étant déjà en construction.

Ce qui précède n’est qu’un bref résumé de la manière dont un certain nombre de pays de l’UE ont abandonné ou prévoient d’abandonner la production d’électricité à partir du charbon.

À cette fin, et grâce à la politique de l’UE applicable à tous les pays membres, plusieurs mesures ont déjà été mises en place pour garantir un processus d’abandon du charbon adéquat et en temps voulu, à savoir :

  • L’approbation nécessaire de la Commission Européenne pour introduire des mécanismes de capacité : cela garantira que ces mécanismes sont conformes aux exigences en matière d’aides d’État et/ou de concurrence, et qu’ils sont utilisés de manière adéquate. Sur ce dernier point, par exemple, l’UE a empêché les pays de payer des « contrats de capacité » pour subventionner des centrales au charbon non rentables. Au Royaume-Uni, des centrales au charbon ont été payées pour continuer à fonctionner, ce qui a ralenti leur fermeture, et en Pologne, des contrats de 15 ans sont même prévus pour encourager de nouvelles centrales au charbon. L’Union Européenne a donc adopté une loi qui, sur la base d’une norme de performance en matière d’émissions de 550 gCO2/KWh, empêchera le versement de contrats de capacité aux centrales au charbon à partir de 2025.
  • Le fonds dit de « transition juste » : ce fonds apporte un soutien aux communautés et aux économies régionales qui dépendent d’emplois dans les industries des combustibles fossiles, en particulier le charbon, et qui tentent d’assurer la transition des travailleurs vers de nouvelles industries et de nouveaux emplois.
  • Et – peut-être le plus important – le SCEQE : Les quotas européens ont vu leur prix augmenter de 5 €/Tn en 2016 à 50 €/Tn actuellement. Une tendance à la hausse soutenue par le paquet européen « Fit for 55 » (le projet de loi européen sur le climat actuellement en discussion) qui a récemment annoncé envisager un minimum. 55% de réduction des émissions de CO2 par rapport aux niveaux de 1990 (l’objectif actuel étant une réduction d’au moins 40%), entre autres mesures restrictives. Cette hausse des prix du carbone a exercé une pression sur les marges de production, désavantageant encore plus le charbon par rapport aux autres technologies.

Comme on peut le constater, les diverses mesures mises en place tant par la CE que par les États membres de l’UE, visant à décarboner le secteur européen de l’électricité, verront probablement l’élimination progressive du charbon beaucoup plus tôt que prévu initialement. Attendons (pas trop longtemps, espérons-le) et nous verrons bien…

Mica Sternhagen

 

 

« Photo de Shutterstock »

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Expérience professionnelle & Education

Diego est diplômé en Sciences Politiques de l’université King’s College (Londres – 2021). Il a débuté sa carrière professionnelle dans une entreprise familiale à Madrid en tant que responsable des opérations. Par la suite, Diego a suivi un double programme en niveau master en Gestion et en Informatique à l’IE Universidad (Madrid – 2022), au cours duquel il a réalisé son stage en informatique dans une startup. En mai 2023, Diego a rejoint l’équipe de HES en tant que stagiaire spécialisé dans la programmation de modèles. Pour son premier projet, il a développé un outil logiciel afin de modéliser l’indisponibilité du parc nucléaire français. Par la suite, Diego a été impliqué dans le développement de nouveaux outils logiciels pour modéliser les courbes de prix, la performance des actifs de production et d’autres sujets liés au secteur énergétique. Depuis janvier 2024, Diego est en contrat indéfini chez HES. 

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Céline a rejoint l’équipe de Haya Energy Solutions en novembre 2021 en tant que responsable du marketing et de l’administration. Lors de sa première expérience professionnelle, dans le secteur du tourisme, elle exerça en tant que managerdes réseaux sociaux. Chez HES, ses missions participent au développement de notoriété et de visibilité de l’entreprise au niveau européen au travers d’actions commerciales (relations avec le client), marketing de contenu et développement de la stratégie de marque. Céline est également impliquée dans la gestion de la communication de l’entreprise : création et optimisation du site internet (WordPress & Elementor), LinkedIn, envoie de la newsletter mensuelle et organisation de conférences. De plus, Céline est impliquée dans les projets énergétiques avec les clients et agit en tant que coordinatrice de projets ou cheffe de projet. Enfin, elle est en charge de l’administration de l’entreprise (comptabilité, gestion des frais, facturation). 

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Céline est diplômée en LLCER langues espagnole et anglaise à La Sorbonne (France – 2018) et est titulaire d’un Master en gestion de projets et tourisme culturel (Clermont-Ferrand/ Buenos Aires – 2021).     

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« La décarbonisation des secteurs de l’énergie et des transports est sans doute aujourd’hui le principal moteur économique de l’industrie. »

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Il a débuté sa carrière dans le génie civil en tant que chef de projet en France, en Martinique et en Australie. Par la suite, il devient directeur général d’une filiale au Venezuela. En 1992, il crée une filale pour Dalkia en Allemagne (chauffage urbain, cogénération et partenariats) et représente Véolia en Thaïlande. En 2000, il a ouvert le bureau commercial d’Endesa en France pour profiter de la libéralisation du marché de détail. A partir de 2006, en tant que responsable du développement chez Endesa France, il a dirigé le plan d’Endesa pour la production à cycle combiné gaz en France et a simultanément développé le portefeuille éolien et photovoltaïque de la Snet. Philippe Boulanger a ensuite travaillé pendant 3 ans au siège d’E.ON pour coordonner les activités de l’entreprise en France. Il a été fortement impliqué dans le projet français de renouvellement de la concession hydroélectrique. En tant que Senior Vice President – Project Director chez Solvay Energy Services d’avril 2012 à février 2014, il était en charge des projets de déploiement H2/Power to gas et d’accès direct au marché européen. Philippe est un expert pour HES depuis 2014.

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Philippe Boulanger est ingénieur diplômé de l’Ecole Polytechnique et de l’Ecole Nationale des Ponts & Chaussées (France) et possède une expérience combinée de plus de 25 ans en énergie et infrastructures. En plus de l’anglais, M. Boulanger parle couramment le français, l’allemand et l’espagnol.

Philippe Boulanger

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« Le monde est en train de changer. De nouveaux investisseurs accordent une attention particulière au secteur de l’énergie alors que les acteurs historiques adaptent leur position sur le marché. »

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Antonio a commencé sa carrière dans le secteur de l’électricité en 1991 en tant que membre de l’équipe du directeur général de Sevillana de Electricidad (Espagne). En 1997, il a été nommé responsable de la réglementation commerciale chez Endesa Distribución. En 2000, il rejoint le département des fusions et acquisitions d’Endesa Europe. En 2003, il est nommé directeur général d’Endesa Power Trading Ltd (UK). Un an plus tard, il devient responsable de la gestion de l’énergie à la SNET (France). En 2008, il est nommé directeur général de la SNET (France). En 2009, il devient directeur du développement de l’entreprise chez E.ON France. En 2011, il fonde Haya Energy Solutions (HES), un cabinet de conseil axé sur l’optimisation de la gestion énergétique des consommateurs, des producteurs et des fournisseurs de gaz et d’électricité. De 2015 à 2018, Antonio a combiné son activité de conseil chez HES avec la direction générale de 2 sites de production en France (2 CCGT x 410MW), détenus par KKR. Fin 2018, il a rejoint Asterion Industrial Partners, un fonds d’investissement dans les infrastructures, en tant que partenaire opérationnel. Antonio consacre, actuellement, l’essentiel de son temps au portefeuille d’Asterion, tout en conseillant, par l’intermédiaire de HES, des entreprises du secteur de l’énergie en France, en Italie, en Allemagne, au Royaume-Uni et en Espagne. 

Formation

Antonio est diplômé de l’Ecole Supérieure d’Ingénieurs de Séville (Espagne) et est titulaire d’un MBA de Deusto (Espagne). 

Antonio Haya

CEO

Antonio Haya