Jeudi 7 décembre, cela aura été la douche froide pour les acteurs à la vente.
Ce jour se traitait une enchère de capacité traitant le contrat de livraison 2025 (AL2025) mais surtout la dernière enchère avant l’année de livraison 2024 (AL2024), déterminant le prix de référence des écarts PREC pour l’année. Alors que ce PREC était de 60k€ /MW/an pour AL2023 et que les certificats AL2024 s’échangeaient autour de 35 k€/MWh, l’heure du changement est arrivée. Et quel changement ! Le prix de la capacité s’est vu divisé par 10, à seulement 6.2 k€/MW pour 2024…
Si nous avions depuis plusieurs mois déjà fait l’analyse d’un marché globalement long, et observé un prix du palier nucléaire très bas, nous n’aurions pas présumé que ce palier fixerait le PREC.
Si le nucléaire a effectivement été mis à l’enchère comme prévu à 6.3 k€/MW (avec un volume de plus ~3.6GW), la surprise a surgi côté achat : l’offre d’achat à tout prix s’est évaporée (en 2022, on avait observé une demande à tout prix de circa 12 GW, et celle-ci est aujourd’hui de 5.9 GW, soit 6.1 GW de moins).
Il est vrai qu’EdF abordait l’enchère en position plus longue qu’à l’accoutumée :
- EdF Acteur certifié (production) apparaissait plus long d’environ ~2 GW par rapport la même enchère pour AL 2023 en décembre 2022
- EdF Acteur Obligé (fournisseur) était, selon nos estimations, long de ~2.2 GW
Mais cela n’explique que partiellement la disparition de l’achat à tout prix (4.2 GW sur les 6.1 GW constatés) …
Si la contribution des interconnexions n’avait pas été réduite à ~7.4 GW (contre 8.3 GW possibles), le résultat de l’enchère aurait même pu plonger à 1.5 k€/MW pour AL2024 !
Il est fort probable que la pénurie d’offre à tout prix trouve son origine dans un changement de politique d’EDF.
Cette hypothèse pour AL2024 est d’autant plus vraisemblable qu’on peut l’observer sur l’enchère AL2025 : en lieu et place des habituels paliers nucléaire et Obligation d’achat, on constate un bloc de presque 15 GW AL2025 offerts à un prix suivant une courbe logarithmique.
En face, les acheteurs semblent dans l’expectative d’une baisse de prix : la demande au-delà de 20 k€/MWh a notamment fondu de ~0.2 GW depuis novembre.
In fine, pour AL2025, le prix d’équilibre s’est conclu à 9.4 k€/MW, bien loin des 25 k€/MW observés en novembre.
Alors que s’amorce le Mécapa post 2026, c’est un véritable tournant pour ce mécanisme.
Entre une baisse de demande dont les effets à la pointe de consommation sont encore mal modélisés, un changement de positionnement des acteurs, et une baisse de prix drastique, pourrait se poser la question de la nécessité de ce mécanisme pour le système français.
Mais ce nouvel équilibre reste pour l’heure assis en dessous d’une épée Damoclès, avec la disponibilité du parc nucléaire dans le rôle du crin du cheval de Denys (voir à ce sujet notre note: Une couverture énergétique fragile pour cet hiver ).
Tout n’est pas joué donc : la baisse de la demande à tout prix observée pour AL2024 (-6.1 GW) pourrait se répercuter partiellement par une hausse de la demande dans les prochaines enchères AL24.
Il faudra surtout désormais suivre attentivement l’évolution de la nouvelle stratégie de positionnement du nucléaire par l’acteur dominant, et les communications du TSO.
Jean-Charles Bissié